Lamour c'est mieux à deux

Premier rejeton d'une saga de 7 films ayant rencontré un certain succès populaire, Road to Singapore marque également la naissance d'un fameux duo de cinéma, Bob Hope / Bing Crosby. Et hormis les talents vocaux du second nommé, il faut bien avouer que les deux compères ne montrent pas un charisme fou dans ce film. Pourtant, petit à petit, leur alchimie évidente emporte l'adhésion, donnant à ce qui s'annonçait comme une comédie poussive des airs de voyage sans prétention mais hautement sympathique.

A leurs cotés, dans un Singapour de pacotille qu'on aura bien du mal à reconnaître (et pour cause, tout a été film à Los Angeles), Dorothy Lamour confirme en grâce malgré un personnage un peu ingrat, celui de l'autochtone au passé trouble dont vont s'amouracher les deux zigotos. Le reste du casting verse dans la caricature, à l'image du pauvre Anthony Quinn, abandonné dans la peau d'un antagoniste franchement oubliable et d'ailleurs complètement oublié par le scénario sur la fin. Au moins peut-on sauver Jerry Colonna qui parvient à arracher quelques rires avec un numéro de cabotinage moustachu plutôt délectable.

Filmé assez platement, Road to Singapore repose essentiellement sur son duo-trio et sur l'exotisme tout relatif des décors singapouriens en papier mâché. Car au final le scénario n'a que deux véritables ressorts, se reposant d'une part sur la propension des deux protagonistes à la castagne, et d'autre part sur leur obstination à vivre libre et à refuser de se marier et de devenir de petits Américains bien rangés. Le tout avec un humour oscillant entre l'inoffensif, le sympathique et le racisme gentillet (la scène du banquet, ethnologiquement plus que douteuse).

Et malgré tout, ce film décousu dégage un charme désuet indéniable. On finit par s'attacher à ce trio, et même si l'aventure est loin d'être inoubliable, tout cela rend curieux de voir la suite. Sans doute parce qu'il y a entre ces trois acteurs un certain potentiel qui, je l'espère, a été encore mieux exploité dans les six épisodes suivants.