« Puisque ce brouillon nous dépasse, feignons d’en être les organisateurs »
Film très curieux, vendu comme expérimental, End of Watch est terriblement bancal.
L’aspect faux documentaire a un mérite : celui de permettre des scènes généralement considérées comme inappropriées dans un film de flics : longues discussions dans la voiture, temps morts et faux raccords créent de temps à autre une illusion d’authenticité assez efficace, qui nous rend les personnages d’autant plus attachants qu’ils sont assez pathétiques, flirtant entre la beauferie et l’héroïsme. L’effet de réel instaure en outre une véritable tension dans les échanges imprévisibles avec les suspects. On saluera, à ce titre, l’interprétation générale qui convainc largement.
Le problème, c’est son parti-pris de mise en scène, ou plutôt ses prétentions à une intention. Dans la première partie du film, on installe de façon ostentatoire les caméras pour nous donner l’illusion qu’elles sont intra diégétiques. Mais lorsqu’on établit un contrat, on s’y tient. Or là, rien n’a de sens : les prises de vues se mêlent, et l’on nous en propose d’autres, extra diégétiques, avec le rendement des précédentes, à savoir non cadrées, à l’épaule, en gros du n’importe quoi qui donnerait l’illusion du réel. C’est incohérent, foutraque, irritant, grotesque (dans les prises de vue « Top secret » des gangs instaurant un contrat sur la tête de nos deux protagonistes) et sacrément méprisant pour le spectateur à qui on tente de vendre du bâclé comme une position esthétique.
End of Watch est symptomatique de la génération 2.0 : tout est possible techniquement, le cadre est là pour être brisé, faisons n’importe quoi et présentons ça comme une innovation. Face à de telles tentatives, c’est bien à nous, spectateurs, d’avoir une éthique de visionnage et de substituer à l’ « End of Watch » un renouveau lucide et exigeant du regard.
P.S : au visionnage de l’affligeante bande annonce* du prochain opus du bonhomme, je crois que les intentions que j’ai pu lui prêter dans le premier paragraphe de ma critique relèvent du pur fantasme cinéphilique. Outre le fait d’avoir le mérite de me faire prendre conscience de certains restes de bienveillance et d’optimisme à l’égard de l’humanité, elle me conduit surtout à ne plus rien attendre de cet obscène tâcheron.
* http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18630681.html
( en titre, citation réaménagée de Cocteau)