La vadrouille de la patrouille branchouille
Parfois, quand je vois certaines moyennes sur SC et que je lis quelques critiques qui vont avec, je prends un peu peur. Ainsi donc, End of watch pourrait être considéré comme un grand film ? Hmmm, voyons ça.
La forme
L'idée de la réalisation marque presque immédiatement les limites du projet, son manque absolu du rigueur et le côté esbroufe de l'ensemble.
Le héros, officier de police qui patrouille en voiture avec son acolyte, embarque entre une et trois caméras avec lui pour sillonner son quartier sensible de L.A. Bon. Pourquoi pas.
Mais quand on tombe sur deux gangs (l'un latino, l'autre black) qui se tirent la bourre et qui (EUX AUSSI, miracle !) ont des caméras embarquées, on se dit que ça commence à sentir la pâté.
Bien entendu, il aurait été trop simple de s'en tenir là: on oscillera donc sans cesse entre caméras subjectives (très beaux plans de jeux vidéos sur la fin) et celles du réalisateur, jetées au milieu du reste sans aucune raison, dans un ensemble qui donne une forte envie de vomir après 15m de métrage. Faut croire que les moins de 20 ans sont immunisés contre le mal de caméra.
Le fond
C'est plutôt de double-fond dont il s'agit, le premier se révélant aussi vertigineux dans le creux que le second.
Le premier thème, c'est celui du crime et de ses ramifications. Sous ses apparats modernes et branchouilles, aucun raccourci scénaristique digne de Derrick ne nous sera épargné.
Aller voir une grand-mère pour régler un différent familial fera nécessairement tomber nos deux héros sur LE cartel mexicain le plus saignant de la ville.
Les chicanos avec qui ils se seront pris la tête au début au cours d'une soirée bruyante seront ceux qui seront missionnés plus tard pour dégommer nos intrépides policiers.
Pire, on sent dès le début (SPOIIILL !) lequel des deux nobles patrouilleurs ne s'en sortira pas vivant à la fin (End of SPOIL).
Le deuxième est presque pire. Et oui, c'est à peine croyable: sous le fier uniforme des forces de l'ordre se cachent des hommes, comme vous et moi (incipit proposé en voix-off d'entrée de jeu). Sous le badge, un cœur.
ÇA ALORS !
Mais au lieu de nous montrer ça avec un minimum de finesse et de contraste, en montrant les parts d'ombres, sans jugement, nous sommes confrontés a des super-héros monolithiques, des surhommes parfaits, des gars bon-vivants capables d'être fins, parfaits avec leurs moitiés, droits et casse-cou, intrépides et téméraires. Ils ne doutent jamais.
Juste un peu la gâchette facile, peut-être. Mais c'est rien: c'est leur environnement qui justifie ça. On va quand même pas commencer à s'emmerder avec des considérations morales, non ? La ville, c'est la jungle. C'est tuer ou être tué après tout, donc on fonce dans le tas, dieu reconnaitra les siens.
Ah si, j'allais oublier, ils ont quand même un terrible défaut: ils peuvent à l'occasion se montrer taquins avec leurs collègues et supérieurs… Rhôôô, les terribles diablotins !
En fait, c'est une espèce de Top Gun avec une réalisation des années 2000 (faudrait pas non plus croire que le found-footage date d'hier, quand même…?), le sémillant Jake remplaçant le sexy Tom.
La scène de fin vient enfoncer le clou rouillé dans la porte moisie: (SPOIIIL !) le jour même du drame, nos deux héros riaient. (END OF…)
C'est beau et édifiant comme un poème d'Eve Angeli.
Et au cas où certains n'auraient pas tout saisi de la subtilité de l'ensemble, le générique de fin l'écrit blanc sur noir: ce film est dédié aux forces de l'ordre qui sont des héros, bla bla, … et que dieu les protège. Voilà, ça, c'est fait.
Mais je ne saurais être juste si je ne donnais pas la raison qui ne m'a pas totalement fait regretter l'expérience: une bande-son parfois bonnarde et la découverte d'un inédit de Josh Homme.
Tout n'était donc pas à jeter.