Enfance clandestine par BibliOrnitho
1976 : l'Argentine vient de subir un coup d'état de la junte militaire. Juan Péron est destitué. Commence alors une dictature avec son lot d'opposants, de contestataires et de répressions de la part des autorités. Certains s'exilent et se réfugient à Cuba. C'est le cas des parents de Juan, haut placés dans la hiérarchie de leur organisation clandestine.
1979 : Après des mois à Cuba, les parents de Juan ont des fourmis dans les jambes. La vie au calme sous les tropiques ne leur convient pas. Pourtant, et malgré leurs activités incessantes, ils ont trouvé le temps de donner une petite soeur à Juan. Mais il est temps de revenir au pays et de reprendre la lutte armée. Retour à Buenos Aires, sous de faux noms et clandestinement.
Juan va à l'école sous le nom d'Ernesto Estrada. "Attention mon fils : ne te trompe pas. Tu signerais notre arrêt de mort !" Lourde responsabilité pour ce gamin d'à peine 11 ou 12 ans. Chez lui, les activistes défilent. On manipulent les armes à feu comme les baguettes de pain dans un foyer normal. Les tractes politiques également. On parlent combats. Les parents et l'oncle de Juan organisent les opérations dans une ambiance qui n'aurait pas déplu à Che Guevara.
Mais Juan est loin de tout cela. Il n'a d'yeux que pour Maria, une gamine de sa classe. Seul son oncle semble s'intéresser à ces amours naissantes - papa et maman, eux, planent à 8000 pieds, galvanisés par l'odeur de la poudre. Juan est pris entre deux feux : entre la cause familiale et son grand amour de jeune d'adolescent. Pas évident à concilier. On craint la bourde, la gaffe, la confidence de trop. La prise de risque inconsidérée qui attirerait l'attention sur une famille pour laquelle la discrétion est la clé de la survie.
Rythme lent pour ce film tendu. Le soleil argentin est omniprésent. On se croirait dans un roman de Juan José Saer. La guérilla n'est pas filmée. Pourtant, elle est là : à travers les yeux du petit Juan (alias Ernesto), on assiste aux réunions qu'on épie par une porte légèrement entrebâillée. On écoute aux portes. On surprend les regards évocateurs que s'échangent les adultes. On capte des mots ici et là. On a peur que tout cela ne finisse mal. On en veut à ce couple de révolutionnaires : quelle enfance donnent ils à leur progéniture ? Pour leur donner un avenir meilleur, ils sacrifient leur présent, leur quotidien, leur insouciance enfantine.
Un film d'une grande force dans lequel tout est en arrière plan, presque invisible. Juan/Ernesto est décidé à vivre son amour pour Maria sans s'occuper des siens dans lesquels il ne se retrouve pas. Le spectateur est tendu. Il attend le dérapage, le faux pas qui est inéluctable : ce n'est qu'une question de temps. Les images sont fortes, surtout de ce qu'elles ne montrent pas, ou de ce qu'elles se contentent d'esquisser. C'est l'inconscient du spectateur qui bouche les trous et qui comprend à demi-mots.
Un film à voir !