Si j'étais honnête, je devrais baisser ma note d'un point (ce qui finira peut-être par arriver), dans la mesure où j'ai trouvé ce deuxième opus un peu moins réussi que le premier. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit : on ne parle pas ici de bons films, hein. Juste de divertissements honnêtes, qui assument leurs deux heures de spectacle inoffensif sans dégringoler dans les bas-fonds de la nullité.
En réalité, je pourrais reprendre une grande partie de mon avis pour le premier film. Du côté des décors, on oscille entre le carton-pâte des façades de studio et des effets numériques entre le flou et le bavant pour les plans larges de Londres. Impossible même de dire que la reconstitution est soignée, tant rien n'accroche l'oeil à l'arrière-plan des acteurs.
Les acteurs, tiens, parlons-en. Pour apporter deux nuances opposées par rapport au précédent long métrage. La première : autant j'avais trouvé Henry Cavill falot dans le premier, autant il parvient à exister un peu mieux dans celui-ci. Son personnage est plus présent, sans doute un peu mieux écrit (toutes proportions gardées), ce qui lui permet de jouer un Sherlock tout en nuances, surtout soucieux d'aider sa jeune soeur à se sortir de ses problèmes à répétition, mettant en berne la démonstration de ses capacités exceptionnelles de déduction. Il est beaucoup plus holmesien, en somme, avec quelque chose de touchant qui le rend attachant.
En revanche, légère déception en ce qui concerne Millie Bobby Brown. Sa fraîcheur surprend moins, d'autant qu'elle souffre du problème inverse de Cavill : une écriture de personnage moins aboutie, plus caricaturale, réduisant son Enola à une gamine moins futée que douée pour se plonger dans les ennuis jusqu'au cou, ennuis dont elle doit systématiquement être sortie par des aides extérieures. L'effet voulu - imposer une héroïne indépendante et résolument féministe - est donc un peu raté.
Pour le reste du casting, Helena Bonham Carter assume son minimum syndical d'apparition avec bonne humeur et allant, comme dans le premier film ; j'étais content de retrouver David Thewlis, hélas réduit à un personnage de policier corrompu et grimaçant, qui a rarement l'occasion de prouver sa subtilité d'acteur.
Quant au personnage de Moriarty, sans spoiler, j'avoue que je suis partagé. D'un côté, son traitement fait joliment écho à la ligne d'écriture féministe qui soutient le projet Enola Holmes (sans grande finesse, mais sans malhonnêteté non plus, me semble-t-il) ; d'un autre, la "surprise" n'est pas suffisamment bien amenée pour décrocher des mâchoires, et le personnage souffre sans doute du charisme relatif de son interprète, pas à la hauteur du génie du mal conçu par Arthur Conan Doyle.
Enola Holmes 2, en tout cas, prolonge donc son "engagement" pour la cause des femmes, en tournant cette fois autour du sort des allumettières, ces jeunes filles ou femmes employées pour un salaire de misère et dans des conditions sanitaires déplorables dans des manufactures d'allumettes dont les profits étaient monstrueux et les dividendes scandaleux (comme quoi, le temps passe et rien ne change, quel scoop). Le film s'inspire d'un fait réel, une grève survenue en 1888 qui avait abouti à de salutaires évolutions des conditions de travail pour les ouvrières. Il n'en fait rien de plus, là encore, qu'un récit convenu, dont l'issue prête à sourire si l'on est de bonne humeur. Si, en revanche, on n'a pas totalement anesthésié son sens critique, on est en droit de regretter la facilité et la maladresse de cette fin démagogue.
Handicapé par quelques longueurs occasionnelles (notamment dans la mise en place, et dans la scène de bal au milieu du film), des rebondissements improbables confinant au ridicule (surtout dans la deuxième partie du film... la scène de la prison, my god), et un certain nombre de mièvreries dispensables mais hélas incontournables dans ce genre de production, Enola Holmes 2 se sauve par quelques scènes de suspense bien orchestrées et une dynamique générale qui en fait un spectacle plaisant pour un vendredi soir dénué d'ambition. Tout aussi oubliable que le précédent, mais passable, pour peu qu'on ait juste envie de débrancher son cerveau.