Ce drame comique est un film révolutionnaire et féministe. Parce qu'il montre les difficultés d'une vraie grossesse, d'un vrai accouchement, jusqu'au malaise des spectateurs. La réalisatrice montre même une simulation 3D d'un massage périnéen et la douleur que ce "massage" comporte. Elle nous montre une femme qui ne désire pas d'enfant, elle ne désire pas son enfant même enceinte de 9 mois, et le regard de la caméra est compatissant, doux sur elle. La réalisatrice montre un couple où l'homme va bien trop loin pour faire valoir son désir d'enfants, et il ne se rend compte d'avoir commis une violence impardonnable (même si peut-être finalement pardonnée? On ne saura pas..) qu'en voyant ce qui se passe dans le corps de sa femme, malgré elle, les risques et les peines qu'un accouchement comporte.
Le film a une première partie comique, absurde, drôle, où Marina Fois est complètement effacée, un espèce d'objet transporté, nourri, diverti par Jonathan Cohen. Elle n'a pas de volonté, mais un talent de pianiste reconnu et acclamé : ce qui en fait un personnage féminin passif, certes, mais d'une façon assez unique en son genre. Jonathan Cohen est très drôle et s'agite dans tous les sens pour faire avancer l'histoire. La deuxième partie est presque dramatique, intense, et gagne en intensité au fur et à mesure que Marina Fois reprend le contrôle de sa vie et de ses choix, et que Jonathan Cohen s'efface, et devient de plus en plus pâle.
On ressent la révolte monter chez la femme enceinte malgré elle. On la sent devenir de plus en plus forte et déterminée pendant que la grossesse avance, que son corps la "lâche", qu'elle se retrouve dans un état considéré comme fragile dans notre société. À tort : il n'y a rien de plus fort q'une femme enceinte, qui fabrique un être humain tout en continuant à travailler, se déplacer, manger, boire, ..vivre.
Le coup de gueule chez la sage-femme haptonomiste est libératoire, en une seule scène la réalisatrice arrive à exprimer la frustration et la rage que beaucoup de femmes ressentent pendant leur(s) grossesse(s). La femme enceinte passe derrière un enfant pas encore né, son corps ne lui appartient plus, il subit des micro-violences constantes des mains envahissantes des inconnu-es.
Certes, le pitch du film c'est "un homme qui fait un enfant à une femme derrière son dos", mais ce n'est qu'une excuse pour faire un film presque documentaire sur la grossesse et l'accouchement, tellement vrai qu'il faudrait l'étudier à l'école, où presque tous les personnages sont authentiques : les sages-femmes des maternités, la gynécologue, les couples fréquentant les cours de préparation à la naissance. Ce film est une célébration de la force des femmes, niée, cachée, réprimée dans notre société, comme l'énergie vitale de Claire est submergée pendant la première moitié du film, mais émergeant par moments. La dernière scène, où Claire qui vient d'accoucher arrive à la salle de concert, chancelante, un peu ébouriffée, mais professionnelle et concentrée est une très belle métaphore de cette force.