Little men (traduit "Brooklyn village" par la distribution francaise sans qu'on en comprenne vraiment la raison) nous montre la rencontre entre deux pré-adolescents new yorkais: Jake vient de déménager à Brooklyn avec ses parents, depuis Manhattan, pour occuper la maison de son grand-père après la mort de celui-ci. Tony est le fils de la femme latino-américaine qui loue la boutique au rez-de-chaussée de la même maison depuis des années. Les deux garcons sont très différents, deviennent vite amis, et rêvent d'intégrer tous les deux un lycée d'art réputé, l'un pour devenir dessinateur, l'autre acteur. Ils seront finalement brusquement séparés par les disputes de leur parents à propos de la boutique: la famille de Jake juge que la locataire ne paye pas assez, et essaye de lui imposer un contrat avec un prix qui prend en compte le nouveau statut "cool" de Brooklyn, elle ne peut pas payer, essaye de rester en faisant valoir son rapport d'amitié avec le grand-père, et finalement sera expulsée.
L'amitié entre les deux garcons, et le subtil mélange entre la joyeuse naiveté des enfants, et une sensibilité et des aspirations déjà adultes, sont très bien rendus dans le film. Les longues négociations avec les parents pour rester ensemble quelques heures de plus, les discussions sur le futur, les après-midi devant les jeux vidéo, m'ont rappelé de mon enfance à moi, et paraissent découler de facon naturelle et sincère directement de la mémoire de Ira Sachs.
A côté de ca, il y a un récit "adulte" que j'ai eu des difficultés à comprendre et apprécier pleinement. Le processus de gentrification d'un quartier populaire en est le contexte, le conflit entre la mère de Tony et la famille bourgeoise de Jake semble représenter celui entre les classes sociales plus et moins favorisées qui s'entre-choquent dans des quartiers comme Brooklyn. Le réalisateur ne veut pas faire du film une plaidoirie politique, en même temps j'ai l'impression qu'il ne reste pas neutre: tout semble être mis en place pour que finalement on justifie les parents de Jake. On les justifies parce qu'on est témoins de leur sens de culpabilité et des nécessités qui les poussent, sans trop hésiter, à mettre dehors la mère de Tony, qui en même temps est représentée comme antipathique, froide, presque calculatrice.
Seul moment de regret pour le dénouement "inévitable" de l'histoire d'adultes, semble être la séparation entre les deux garcons, et les larmes de Jake quand il découvre l'injustice de ce qui est en train d'arriver à son ami. Finalement, on croit deviner que Jake intégrera l'école d'art, alors que Tony ne le fera pas, dernier détail amer qui souligne, peut-être, l'injustice du monde dans lequel on vit, tout en en ayant accepté l'inévitabilité.