Les Italiens en 1965.

Profitant de repérages pour un long-métrage, Pier Paolo Pasolini sillonne également l'Italie afin de questionner ses habitants sur des thèmes aussi variés que l'amour, la liberté des femmes, la sexualité, le mariage, le divorce, voire même les maisons closes. Il va interviewer librement ces personnes sur leurs lieux de vacances, à la sortie des usines, ou dans des contrées reculées du sud du pays.

Je n'ai rien lu à ce sujet, mais ce documentaire, le seul que réalisera Pasolini dans un format de 90 minutes, évoque bien entendu Chroniques d'un été ou Le joli mai, dans le sens où les caméras entrent en contact avec les gens dans la rue. Mais là, les divers thèmes évoqués sont sans équivoques, tout comme le titre français l'exige. J'aime beaucoup le titre original, Rally d'amour, plus juste sur la façon dont on peut vivre une relation, mouvementée, accidentée, mais qui peut se finir à bon port.
Le documentaire est réalisé dans les conditions du reportage, avec Pasolini qui est souvent à l'image en tant qu'intervieweur, et loin d'être passif face aux réponses des personnes qu'il interroge, on le voit même assez offensif, n'hésitant pas à les contredire. Tout comme les deux documentaires français évoqués plus haut, Enquête sur la sexualité est la photographie de son époque, notamment sur le rôle des femmes, qui sont limites montrées comme sois soumise et tais-toi, quand les plus jeunes évoquent avec une franchise surprenante leur envie de s'émanciper et de ne pas forcément vouloir se marier ou avoir des enfants, en plus de militer pour le droit au divorce. Rappelons que ce dernier, la loi sera seulement votée en 1970, ce qui parait fou de notre point de vue français ! Mais le débat aura donné lieu à une très bonne comédie tournée quelques années plus tôt, Divorce à l'italienne...

Si quelques hommes prônent la liberté pour les femmes, et souhaitent qu'elles aient les mêmes droits qu'eux, la plupart montrent une Italie au fond terriblement conservatrice, où celles-ci ne sont résumées qu'à être épousées et faire des enfants. Et attention si elles ne sont pas vierges au moment du mariage, le déshonneur n'est jamais loin... Quant à la sexualité du titre, celui-ci est un peu trop fort et ne parle pas de choses intimes, mais parle des éventuels problèmes sexuels que pourraient avoir un homme et une femme avant le mariage et qui, pour la plupart, seront résolus au moment de se passer la bague au doigt ! Ça rejoint aussi que la contraception n'existait quasiment pas, et que la terreur des femmes était de tomber enceintes en-dehors des liens du mariage, car n'oublions pas qu'avorter était là aussi impossible...

Enfin, il y a un passage très intéressant, et non dénué de sens quand on connait la vie de Pasolini, qui concerne l'avis des gens sur l'homosexualité. Le nom n'est jamais prononcé par le réalisateur qui préfère parler d'invertis, et là aussi, les réponses laissent sans voix, car soit ces personnes sont anormales, ou folles, mais il faut les écarter de la société. On a d'ailleurs une très belle interview de deux jeunes femmes, dont la nature de leur relation ne laisse guère de doutes, mais qui semblent constamment tourner autour du pot, de peur sans doute de représailles.

Comme ça se voit dans plusieurs documentaires du même genre, je pense aussi au premier film de Bertrand Blier, Hitler connais pas, j'aime beaucoup voir ce qu'est une société à une époque donnée en fonction de ses habitants. C'est quasiment de l'ethnographie à la Jean Rouch, où les gens y sont symboliquement disséqués, mais là, on a en plus l'implication de Pasolini sur divers sujets sensibles, et qui nous montrent que la société a su évoluer. En mieux ou en pire, la question reste posée...