Satire sur tout ce qui bouge
Rien de tel que d’aller voir du côté de l’Italie pour prendre le pouls du discours contestataire des 70’s.
Nerveux, habité, avec une palpable envie d’en découdre, Elio Petri met en place un scénario assez diabolique pour illustrer les renversements moraux à la tête de son pays. Soit un chef de police qui commet un meurtre, puis, ivre d’autorité, tente de conduire les enquêteurs à lui pour rétablir l’ordre.
Tour est jeu dans les prémices de ce conte amoral : le sexe se déguise, les pervers se fatiguent à pimenter leurs ébats en y insufflant l’imagerie criminelle dans des séances de photos morbides, tandis que la provocation et le cynisme sont de rigueur dans les bâtiments de la police. On torture au champagne, on galvanise les foules à grands coups de discours fascistes, et l’on affirme sa puissance en costard impeccable.
Là où le film est malin, c’est qu’il met le protagoniste face à une impasse : soucieux de rétablir la vérité, il va devoir constater que celle-ci n’existe plus dans un état qui flirte avec la dictature. De plus en plus névrotique, l’intrigue se mord la queue, et c’est bien là la démonstration la plus probante de la fin de la civilisation.
Gian Maria Volonté, totalement investi dans son rôle, névrotique et schizophrène, fait des merveilles, et la construction assez déroutante des débuts du film distribue habilement les temporalités et les rôles secondaires. Le rythme tendu peut fatiguer par moments, mais est amplement justifié par le climat qu’il cherche à retranscrire.
Satirique, radical, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon fait partie de ces films qui, à l’instar de Network, main basse sur la télévision de Lumet, vieillissent un peu par leur sens de l’excès, mais témoignent d’une époque révolue où l’on savait encore véritablement s’indigner avec panache au cinéma.
(7,5/10)