Avouons-le, l’œil cinéphile plein de honte : je n'ai jamais vu le film original signé Mario Bava, Cani arrabati (aka Rabid Dogs). La déception relatée ici est donc celle d'un spectateur profane, ce qui malheureusement est d'autant plus fatal à Enragés...


Jetant un casting francophone sur le sol canadien, Enragés conte le baptême du feu d'un braqueur alors que l'entreprise tourne mal, forçant le groupe à prendre en otage un père et sa fille en route pour l'hôpital afin de poursuivre leur cavale. À l'intention, Enragés se veut une série B carrée et généreuse. Dans les faits, il cumule les défauts typiques du film qui veut trop en faire, comme si chaque élément était laissé en suspens au point qu'on ait l'impression d'assister aux répétitions en amont du tournage.


Si l'envie de bien faire est là, Enragés traîne comme un boulet une direction d'acteurs et des dialogues défaillants que même des comédiens chevronnés comme Lambert Wilson et Virginie Ledoyen ne peuvent sauver. Le constat est d'autant plus frappant quand le cinéaste s'attarde sur ses gangsters, le jeu caricatural du groupe étant souligné par des gestes et des regards surlignés à gros traits. Néanmoins, on aurait facilement pu faire abstraction de ces erreurs (a fortiori pour un premier long) si le rythme et le suspense relevaient le niveau.


Peine perdue, Enragés se présentant comme un film de personnages autant que comme un thriller, perspective réjouissante mais ruinée, là encore, par le jeu embarrassant de la plupart du casting. Du coup Enragés fait cumuler les regrets tant son envie d'aller droit à l'essentiel se voit tuée dans l’œuf. C'est d'autant plus dommage que le film finit par réellement fonctionner dans ses dix dernières minutes, une fois que le personnage le plus raté la met en veilleuse et que les enjeux atteignent un dénouement réjouissant. Quelques minutes plus tôt, un long mouvement de caméra centré sur les visages silencieux, perdus dans la nuit, aura posé l'ambiance que le sujet méritait. Trop tard pour réveiller l'intérêt d'un public déjà fatigué d'avoir à grappiller des miettes, et ce malgré quelques vraies fulgurances, telle cette image d'une mère et de sa fille après le passage du groupe dans un village en pleine célébration. Mais une photo chiadée ne suffit pas à noyer le poisson, et Enragés s'enlise. Restent quelques images fortes (l'arrivée sur les lieux du climax au clair de lune) dont on regrette qu'elles n'aient pas dicté leur loi à tous les axes créatifs.


Le plus gros problème d'Enragés reste donc son manque de tension, là encore victime de la caractérisation de ses protagonistes ; les dialogues vont d'ailleurs jusqu'à lancer Lambert Wilson dans un petit monologue où il explicite la morale du film, alors que la voix off qui ouvre et ferme le long-métrage aurait largement suffi. Peut-être qu'Enragés marque bien plus de points dans sa comparaison avec l'original, source d'inspiration assumée jusque dans une bande-annonce où est mis en avant le nom de Mario Bava. Reste à savoir si cela efface les défauts d'un travail jamais antipathique mais vain, loin de l'efficacité immédiate qui aurait dû être la sienne.


Lire l'article sur son site

Fritz_the_Cat
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les plus mauvais films de 2015

Créée

le 7 oct. 2015

Critique lue 1.4K fois

12 j'aime

5 commentaires

Fritz_the_Cat

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

12
5

D'autres avis sur Enragés

Enragés
Fritz_the_Cat
4

Balle perdue

Avouons-le, l’œil cinéphile plein de honte : je n'ai jamais vu le film original signé Mario Bava, Cani arrabati (aka Rabid Dogs). La déception relatée ici est donc celle d'un spectateur profane, ce...

le 7 oct. 2015

12 j'aime

5

Enragés
Matrick82
6

Boires et déboires d'un cinéphile 2: le retour !

J'ai pas vu l'original donc je pars sur un point de vue neutre. A savoir que ce film est une jolie tentative Française de faire du film d'exploit'. Grosso merdo ce film raconte la descente en enfer...

le 23 sept. 2015

12 j'aime

17

Enragés
Black-Night
8

Critique de Enragés par Black-Night

Enragés est un très bon film. Un polar sous haute tension brillant sur pas mal de points. Prenant et captivant de bout en bout, intriguant et intense. Présenté en Séance Spéciale du Cinéma de la...

le 5 oct. 2015

9 j'aime

Du même critique

Eternal Sunshine of the Spotless Mind
Fritz_the_Cat
9

La Prochaine fois je viserai le coeur

Ca tient à si peu de choses, en fait. Un drap qui se soulève, le bruit de pieds nus qui claquent sur le sol, une mèche de cheveux égarée sur une serviette, un haut de pyjama qui traîne, un texto...

le 4 sept. 2022

226 j'aime

34

Lucy
Fritz_the_Cat
3

Le cinéma de Durendal, Besson, la vie

Critique tapée à chaud, j'ai pas forcément l'habitude, pardonnez le bazar. Mais à film vite fait, réponse expédiée. Personne n'est dupe, le marketing peut faire et défaire un film. Vaste fumisterie,...

le 9 août 2014

220 j'aime

97

Le Loup de Wall Street
Fritz_the_Cat
9

Freaks

Rendre attachants les êtres détestables, faire de gangsters ultra-violents des figures tragiques qui questionnent l'humain, cela a toujours été le credo de Martin Scorsese. Loin des rues de New-York,...

le 25 déc. 2013

217 j'aime

14