Enter The Void ou comment oublier qu'on est au cinéma.

Se déroulant dans un Tokyo fabuleusement néoné, Enter The Void est la vision d’un jeune américain (Oscar) évoluant au milieu des boîtes de nuits et petits studios de la capitale japonaise qui va un soir se faire tuer au cours d’une descente de police. Mais il n'en sera pas fini pour lui ou du moins pour son esprit, puisqu’il va vivre une expérience de hors-corps et revisiter pleins d’instants, passés comme futurs.


Je dis là qu’Enter The Void est la VISION d’un homme et pas un FILM racontant un homme puisque c’est ce qu’il explicite dès ses premières images, en vue subjective, après un générique explosivement psychédélique. 
Au delà d’être une vraie expérience sensorielle purement immersive, commentaire sur le film devenu une pure banalité tant il a été réitéré par la critique, Enter The Void est un film DE cinéma SUR le cinéma parlant d’un sujet très simple; la sensation d’être devant un film. En effet, quand on paie un ticket et qu’on s’installe dans un siège devant un grand écran sur lequel une oeuvre filmique y est projeté, la question est la suivante; a-t-on envie de se sentir au cinéma?
Beaucoup de cinéastes tournent autour de ce sujet, notamment Tarantino et tout le “concept Tarantino” qui est de faire des films purement narratifs où l’art de raconter une histoire est placé devant l”histoire en elle même; on est bien devant un film et les personnages que l’on voit n’existent pas.
D’autres le font involontairement en voulant créer un cinéma “réaliste” mais ne construisent en réalité qu’une performance caméra comme le fait Alfonso Cuarón, rappelant en fait constamment sa propre présence.

Mais Enter The Void de Gaspar Noé ne fait que se faire oublier en tant que film, du moins en apparence, puisque toute sa mise-en-scène réside en fait dans son scénario; la caméra PEUT se balader partout, dans tous les recoins du monde matériel, et si on commence à gueuler au moindre plan techniquement improbable, le film peut ressasser à tout moment l’excuse du “c’est le found footage d’un esprit”.
Avec cette carte en main, Gaspar Noé peut absolument tout se permettre et vous ne pouvez que rester silencieux. Mais à quel point?


Car plus le film avance, plus la conscience d’Oscar va dans des recoins inatteignables par un oeil humain ce qui devrait mettre notre suspension d’incrédulité à l’épreuve. Mais elle ne peut pas être mise à l’épreuve car c’est le point de vue d’un esprit et un esprit peut aller partout voyons!
Et pendant 2 heures et demi, Gaspar Noé va jouer avec cet accord passé avec nous, spectateurs, en jouant de l’improbabilité de ses plans jusqu’à ce que l’on craque, ou pas.


Mais en réalité cet accord n’a pas lieu d’être puisqu’il est complètement décrédibilisé par la présence très remarquée du générique de début, bruyant et épileptique. Et malgré ça, on ne peut pas lever le petit doigt de tout le film, même quand on assiste à une pénétration, vue de l’intérieur du vagin de Linda où l’esprit de son frère se trouve. 

Enter The Void est donc un parfait film sur la suspension d’incrédulité, cette opération mentale qui, lorsque accompagnée d’un accord clair avec son spectateur, marche du tonnerre au cinéma.

TheBobineDemon
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le 24 juil. 2020

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