Au terme de cette petite exploration de l'œuvre de Dziga Vertov (vus récemment en plus de ce "Enthousiasme (La Symphonie du Donbass)" : "Ciné Œil - La Vie à l'Improviste" et "La Onzième Année"), j'en ressors plutôt satisfait d'avoir découvert des horizons relativement différents de ceux découpés par son film le plus célèbre "L'Homme à la caméra" — qui reste malgré tout au-dessus des autres à mes yeux. On voit s'établir et s'assumer un penchant fort pour une forme très avant-gardiste de mise en scène, du début des années 20 jusqu'au début des années 30 grossièrement, à mesure que tous les outils du cinéma expérimental en cours de développement se peaufinent pour célébrer l'idéal communiste sous toutes ses formes. Un cinéma de propagande qui n'a pas beaucoup d'équivalent dans l'histoire il me semble, y compris au sein des débuts du cinéma soviétique aux côtés de Eisenstein, Ermler, Dovjenko, Barnet, Medvedkine, etc.
Étant donné que c'est la brûlure laissée par l'empreinte graphique qui m'intéresse le plus dans ce genre de films, au-delà des aspects documentant une époque et indépendamment de toute célébration stalinienne, je reste plus sensible au poème à la gloire de l'industrialisation de "La Onzième Année" que cet appel à atteindre et dépasser les objectifs du plan quinquennal, quand bien même ce dernier nous gratifie de nombreuses séquences dans des aciéries. Il y a un côté quand même assez bourrin au début, pas totalement désagréable au demeurant, montrant des croyants devant une église au même niveau que des pochtrons dans la rue : le message est explicite, il faut remplacer les croix par des étoiles rouges. Une fois ce constat posé, le film tout entier se vit comme un cri du cœur pour contrer la pénurie de charbon dont semble souffrir le pays.
Le train est ainsi lancé, les ouvriers se mettent en masse au travail, on navigue entre usines sidérurgiques et kolkhozes, pour illustrer le fossé béant entre l'ancien monde et les promesses d'un avenir socialiste radieux. On est juste avant le Holodomor... L'occasion aussi d'expérimenter sur le terrain du mélange du son et de l'image, avec toutes caractéristiques de montage qui font le sel du cinéma de Vertov.