Figure du cinéma d'auteur sud coréen, Kim Ki-Duk se fait régulièrement remarquer pour ses œuvres aux ambiances tantôt très sombres voire glauques (L'île, Bad guy) tantôt très oniriques et spirituelles (Printemps, été, automne, hiver... et printemps). S'il bénéficie d'une certaine renommée en Europe qui lui vaut d'être à l'affiche dans nos cinémas, Kim Ki-Duk est considéré comme un cinéaste qui dérange en Corée, ce qui le contraint à s'autofinancer pour garder une certaine liberté artistique.
Avec Entre deux rives, Kim Ki-Duk livre un film politique puisqu'il a pour toile de fond le conflit entre Corée du Nord et Corée du Sud. Dans les années 70, alors que la tension entre les deux pays est à son paroxysme (nombreux attentats, assassinats, etc.), des pêcheurs nord-coréens se sont retrouvés par mégarde au Sud. Nombre d'entre eux seront renvoyés au Nord après que le régime du Sud ait tenté d'en faire des espions à son service. De nos jours, la réalité est plutôt différente puisque la plupart des transfuges nord-coréens fuient Pyongyang et sa dictature communiste répressive. Le film est donc un peu en décalage avec la réalité actuelle même si la tension politique est toujours bien vivace.
Quoique conventionnel, le scénario est bien construit, bien rythmé et cherche à donner une vision nuancée de la situation, même s'il tombe lui-même parfois dans les clichés qu'il cherche à dénoncer, la faute à des protagonistes un peu caricaturaux qui ont tendance à surjouer et une direction d'acteur qui semble manquer de maîtrise. Pourtant, à travers la mésaventure de Cheol-woo, le film est porteur d'une véritable réflexion sur le conflit. De simple pêcheur échoué sur les rives de l'ennemi, il va cristalliser autour de lui toutes les tensions, jusqu'à devenir un symbole de ce conflit inextricable ou chacune des parties joue sur la peur de l'autre, alimente les fantasmes, et cherche à faire du moindre événement une affaire d'état.
Pour résumer, un film au fond vraiment intéressant auquel il manque une vraie forme, la faute peut-être au temps de tournage très limité qui n'a pas permis au réalisateur de développer son message tel qu'il le souhaitait.