Entre le ciel et l'enfer par J. Z. D.
J'ai beau n'avoir jamais été déçu par Kurosawa, je suis toujours réticent à en regarder un : il y a des réalisateurs comme ça qui m'intimident, j'ai toujours peur de me retrouver dans un film difficile à regarder et cette fois c'était pareil, il était dans une liste depuis longtemps et pourtant, je traînais à m'y mettre comme - je cherche un meilleur adjectif mais oui, répétons nous - intimidé.
C'était une sacré erreur ! Quelle merveille que ce film.
Ça commence en huis clos, un homme d'affaire qui vient de s'endetter pour devenir actionnaire majoritaire d'une usine que le capitalisme est en train d'emporter reçoit un coup de téléphone, son enfant a été kidnappé. La première heure se passe ici, dans ce salon. Que faire de l'argent ? Payer la rançon au prix du rachat de l'usine ? Toshiro Mifune est grandiose, mais je commence à me demander s'il ne l'est pas dans chacun de ses films, assiégé dans sa villa sur la colline qui surplombe la ville.
Soudain, l'action éclate. Et le film le quitte pour l'enquête. C'est étrange, cette investigation policière dans le Japon des années soixante ; sans jamais perdre le fil de son récit, Kurosawa laisse s'égarer sa caméra, elle file à travers la ville jusqu'à cette ruelle glaçante. Moment de poésie et de destruction totale. Scène paralysante, comme une danse, mais avec les ongles qui déchirent les murs.
Et puis il y a la fin, qui donne envie de lire Dostoïevski, le rideau - de métal - tombe sur le film, faute de pouvoir nous en dire plus.
Il y a des films comme ça qui nous frappent fort. Pour moi, Entre le ciel et l'enfer mérite sa place auprès d'eux.