Un riche actionnaire d’entreprise, endetté parce qu’il a engagé toute sa fortune pour l’acheter et la diriger, est contraint de payer une somme exorbitante pour la rançon du fils de son chauffeur, enlevé par méprise à la place du sien. En la présence de son employé, ainsi que de la Police, de sa femme et son fils, le long huis-clos du premier acte, débattant entre pensées et sentiments, devra trancher entre sacrifier l’enfant innocent ou bien sa fortune et l’investissement de toute sa vie.
La seconde partie nous balade dans l’action de deux intelligences parfaitement huilées. Celle de la brillante orchestration du kidnappeur dan son forfait, sa fuite et son bénéfice. Et surtout celle de la Police, synchronisée et méthodique, exploitant, recoupant et déduisant chaque détail. Même si les investigations eurent été bien plus rapides et systématisées aujourd’hui qu’il y a 55 ans, Akira Kurosawa fonde cette efficacité sur l’héroïsme et les valeurs morales, incluant même une complicité courtoise, belle et payante avec les medias, valorisant bonne volonté, bon sens et loyauté, triomphant inéluctablement sur une logique rivale et individuelle. Je ne sais pas si une telle cohésion est une utopie, ou le fruit d’une époque, ou encore de la culture japonaise, mais elle parait complètement surréaliste aujourd’hui, et demeure un vrai bonheur à voir en œuvre.
Consacré à l’arrestation du coupable, le dernier, sombre et réaliste dernier acte nous plonge dans le cri le plus intime du réalisateur. Les seules franches crapules de l’histoire restent les gros actionnaires, tandis que nos flics graviteront dans la misère urbaine, brutale pour cette époque cinématographique, et la dureté douloureuse de la toxicomanie. Malgré les vertus toujours dominantes, la mise en scène présente deux mondes socio-économiques vivant quasiment dans la même rue autour d’un indécent et irréconciliable fossé.
J’accroche rarement la sensibilité japonaise, mais là on une aventure policière de 1963 absolument captivante de bout en bout, malgré la traduction française proverbialement cul-cul-la-praline du titre, qui vire brillamment en critique sociétale, et qui se veut surtout un hymne aux valeurs et aux personnes d’honneur.

etiosoko
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le 20 sept. 2018

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