Après nous avoir régalé avec sa mini saga consacrée au personnage de Sanjuro dans deux divertissements de haute volée, Kurosawa retrouve le Japon contemporain pour aborder un sujet bien plus sérieux.

Gondo, actionnaire principal d'une usine de chaussure reçoit un mystérieux appel annonçant l'enlèvement de son fils, le ravisseur lui demande 30 Millions de yens s'il souhaite revoir son fils en vie. Abasourdi par la nouvelle, notre pauvre homme et sa femme n'en reviennent pas en voyant leur fils se montrer, soulagé et pensant avoir eu droit à une très mauvaise plaisanterie, il déchante en découvrant que le fils de son chauffeur manque à l'appel, le kidnappeur s'est en réalité trompé d'enfant. Malgré cette erreur, les conditions du ravisseur ne changent pas, un terrible cas de conscience s'enclenche alors pour Gondo, sauver l'enfant d'un employé au détriment de son argent durement gagné qui pourrait entrainer sa ruine ou risquer d'avoir la mort de cet enfant sur la conscience pour le restant de ses jours ?

Non content de s'être approprié le Western, de maitriser à la perfection les adaptations d'auteurs comme Shakespeare ou Dostoïevski, de réaliser des Jidai-geki fabuleux et de transformer des divertissements en magnifiques fresques épiques. C'est peur être dans le Polar que Kuro se détache le plus, avant-gardiste avec Chien Enragé, dénonciateur dans les Salauds dorment en paix, il nous offre ici un thriller phénoménal.
Entre le ciel et l'enfer s'accentue sur deux grands axes qui nous feront passer du huis-clos éprouvant et étouffant, à une enquête profonde, pleine de suspens construite avec minutie, qui nous conduiront dans les bas-fonds de Yokohama qui ne sont pas sans rappeler ceux de Tokyo présentés il y a une quinzaine d'années.
Chaque partie bien distincte permet au récit d'évoluer de façon subtile et d'alimenter notre intérêt pour découvrir le fin mot de cette l'histoire angoissante à souhait.
Enveloppé dans une photographie en noir et blanc toujours aussi sublime, permettant un contraste saisissant entre la bourgeoisie représentée par ce luxueux appartement qui domine la ville et la pauvreté dans lesquels les rebuts de la société terrés tels des rats ne peuvent qu'envier une richesse inaccessible, de ce fait, l'image du haut et du bas nous apparait clairement de quoi la rendre encore plus poignante.

Comme toujours, plusieurs degrés de lecture s'imposent ici, l'interrogation sur le mal et ses faibles conséquences quand il s'agit d'un enlèvement, ou encore la dualité victime-bourreau non sans rappeler l'univers de Dostoïevski. Kuro nous propose un polar noir sous fond de critique sociale acerbe dans laquelle, les bas quartiers sont exposés de la pire des manières, n'oubliant pas d'entacher les privilégiés au travers d'un tacle contre les actionnaires avides d'argent et se réjouissant de cet enlèvement. Trop souvent rattaché à ses films de costumes, ce serait réducteur de ne l'associer qu'à ça en occultant le fait que Kurosawa est également un formidable observateur de la société japonaise, de ses comportements et de ses vices. Embarquez vite dans la navette du maitre direction les abimes de ce ciel, qui au moindre faux pas vous entrainera en enfer.

Créée

le 31 août 2013

Modifiée

le 30 août 2013

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