« Cette haine est devenue ma raison de vivre »

Entre le ciel et l'enfer est l’adaptation d’un roman d’Evan Hunter. Cet auteur est également connu sous le nom d'Ed McBain, et fut le scénariste des Oiseaux qui sortit la même année.


Kingo Gondo est un homme d’affaire qui a réussi à se hisser au sommet de l’entreprise qui représente toute sa vie. Les premières minutes brossent le portrait d’un homme qui aime le travail bien fait et la qualité du travail accompli. Alors qu’il vient de racheter des parts de l’entreprise en s’endettant et qu’il peut enfin la diriger dans le sens qu’il souhaite, un événement vient tout perturber et le prendre à la gorge. Il se trouve acculé à un choix éthique terrible où il en va de la vie d’un enfant, du regard qu’il porte sur lui, du regard que son entourage porte sur lui, mais aussi de toute sa fortune. Autour de lui gravite des personnages aux intérêts variés et aux valeurs morales différentes, chacun exerce sur Kingo une pression tandis qu’il essaie de garder le cap qu’il s’est fixé. Les personnages physiquement présents ne sont pas seuls, il y a aussi la voix au téléphone de cet inconnu qui est omniprésent : il voit sans être vu, il impose ses conditions, il surgit quand il le veut, il mène le jeu. La première partie du film met en scène cet affrontement à distance. La scène dans le train sert de transition nous faisant quitter le huis clos qui ouvre le film.


La deuxième partie du film nous plonge dans l’action. Il s’agit désormais de traquer le malfaiteur et de venir en aide à Kingo. L’enquête policière est menée avec brio. Les moindres détails sont exploités et filés. C’est une armée d’enquêteurs qui se déploient aidés par toutes les bonnes volontés touchées par l’histoire de Kingo.


La fin de l’histoire débouche sur un face à face durant lequel lequel le spectateur voit les deux visages côte à côte grâce au jeu de reflet dans la vitre. Deux hommes qui se regardent droit dans les yeux. Kingo qui conseillait à son fils : « dans la vie c’est tuer ou se faire tuer » a évolué. Il est face à un homme qui va perdre la vie. Il le regarde sans jugement, sans pitié, sans arrogance. Son regard est épuré. Chacun des deux hommes ont fait des choix de vie différents dans le contexte qui était le leur. L’un n’a jamais quitté l’enfer et semble y retourner, l’autre semble avoir trouvé le chemin du ciel à travers un dépouillement radical.


Kurosawa est particulièrement doué pour filmer les groupes. Il fait de ces plans de véritables chorégraphies. Dans ce film ce sont les personnages rassemblés dans l’appartement de Kingo ou bien les policiers en réunion de travail ou bien encore les journalistes. Les mouvements d’ensemble sont étudiés, équilibrés et surtout ils dégagent une parfaite osmose. Ayant fait de la danse classique et moderne durant plusieurs années, je suis particulièrement sensible à ce type de mise en scène. Chacun a sa place et l’ensemble des acteurs fonctionnent ensemble comme un tout, grâce à la participation ajustée de chacun.


Dans une mise en scène dépouillée et maîtrisée durant la première partie puis une mise en scène très vivante durant la 2e ; grâce à des acteurs totalement impliqués avec en particulier le magistral Mifune ; grâce à des dialogues ciselés, grâce à un rythme parfaitement dosé ; Kurosawa nous captive et nous tient en haleine du début à la fin nous faisant passer d’un appartement aisé dans la première partie jusqu’au quartiers chauds de la ville dans la seconde. Le réalisateur démontre sa capacité à jouer sur des registres différents. Il nous livre ici un thriller prenant et intelligent.

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le 7 déc. 2024

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abscondita

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