C'est vraiment très bon et très fort. La structure du film peut surprendre car l'intrigue y est courte mais importante car elle constitue le sommet de la mise en abyme du film. Cette œuvre est une réflexion sur le spectacle; sur ce qu'il convient de montrer ou de ne pas montrer (la scène de la chambre d'amour est géniale), sur ce que la société accepte du bout des lèvres (la pratique de l'art dramatique), ce qu'elle refuse (les gigolos qui pourtant ne font de mal à personne, mais qui dérange car considérés comme hors-norme), ce qui l'impressionne (la légion d'honneur devenant une respectabilité portative), ce qui la manipule (la vanne de Jouvet sur les critiques), et puis surtout ce qui base les rapports entre individus, les mots que l'on dit à l'autre "en jouant" devant lui, comme un comédien sur sa scène et qui ne sont que des mots, consommables et périssables. Tout n'est que spectacle, tout n'est qu'apparence. Quelle lucidité ! Le happy-end est biaisé, Claude Dauphin et Janine Darcey vont s'aimer… mais combien de temps ? Le film réalisé très correctement mais sans génie puise sa force dans son extraordinaire scénario et dans les dialogues d'Henri Jeanson, mais aussi dans sa distribution dominée par un Louis Jouvet impérial, et avec une Odette Joyeux resplendissante. Chef d'œuvre !