Après s'être penché sur la gentrification d'un village des Cornouailles dans Bait, Mark Jenkin s'attaque avec Enys Men à un autre registre, le folk horror, genre on ne peut plus britannique puisque que c'est d'Angleterre que nous viennent des films comme The Wicker Man, La Nuit des Maléfices, etc...
Cet héritage, Jenkin l'affiche à l'écran : son intrigue se déroule sur une île où un énorme rocher exerce des pouvoirs mystérieux. On navigue en plein dans l'atmosphère des Ghost Stories for Christmas, téléfilms que diffusait la BBC dans les années 70 et qui montraient déjà des pierres mystiques provoquer des réactions étranges sur les gens.
Hérité du paganisme, ce concept dévoile que la nature et ses éléments sont des acteurs à part entière, capables de communiquer avec l'homme. Extrêmement puissants, ils peuvent même absorber toute vie humaine qui les entoure pour ensuite la faire ressurgir sous de nombreuses formes, à l'image de A Warning to the Curious où la terre fait apparaître les fantômes du passé.
Pour revenir à Enys Men, son originalité réside dans son approche contemplative, plutôt qu'horrifique, de la rencontre entre l'homme et la nature magique. Ce parti pris s'explique en partie par l'héroïne du film. Venue sur l'île pour analyser des fleurs, il s'agit d'une scientifique qui tient à garder son statut d'observatrice et donc, à ne pas se mélanger avec le monde l'entourant, limitant ses interactions à de rares gestes répétitifs (jeter une pierre dans un puits, regarder la mer, etc...). On le comprend vite, ses gestes sont effectués pour se créer une illusion de contrôle, mais malgré ses efforts, elle finira peu à peu par être dévorée par l'île, sous l'oeil de la caméra de Jenkin dont la mise en scène, si caractéristique, fait encore des merveilles.
Il utilise des plans fixes et rapides, rajoutant tout le son en studio, ce qui lui permet de créer l'univers auditif de son choix. On se retrouve ainsi face à un spectacle des sens où l'on sent la nature, ses rochers, sa mer et ses effluves, avoir une réelle présence organique à l'écran. Un spectacle envoûtant.