Il me reste encore quelques films de la compétition officielle à voir mais je n'imagine pas que cet "EO" puisse être détrôné et ne pas recevoir "ma Palme" 2022.
Jerzy Skolimowski est un de mes dieux en matière de cinéma, un très court passage à vide au milieu d'une carrière jalonnée d’œuvres le plus souvent marquantes et en tout cas toujours à part, et il continue encore et encore à me surprendre. Et ici dans les grandes largeurs car son Balthazar à lui m'a fait encore plus pleurer que celui de Bresson, parce que par un simple gros plan sur un regard, évoquant en un instant la tristesse du baudet, son innocence confrontée à la cruauté de l'humain, il vous saisit pour ne plus vous lâcher. Parce que sa misanthropie est belle et poétique, parce que ce qui aurait pu être un film de commande pour le parti animaliste est une immense œuvre de cinéma. À 84 ans le Polonais insaisissable reste amoureux fou de son art qui le lui rend bien, il expérimente en permanence, travaille le son et l'image comme si c'était son premier et dernier film, donnant parmi les choses les plus étonnantes que j'ai vues sur un écran depuis bien longtemps.
Je n'en dis pas beaucoup plus pour vous laisser le plaisir de la découverte, j'ajoute juste que si j'ai versé des torrents de larmes ce n'est pas qu'à cause des mésaventures du petit âne, c'est aussi parce qu'un simple geste de cinéma peut parfois secouer plus que de raison.
(Quelque chose a beaucoup fait parler autour de moi après la projection : la présence pour le moins incongrue d'Isabelle Huppert dans une scène venue de nulle part. N'hésitez pas, quand vous aurez vu le film, à me donner votre théorie à ce sujet, je vous en livrerai une qui m'a été proposé et que j'ai adorée.)