M'interrogeant sur la place de l'animal dans nos sociétés, je savais quelque peu dans quoi je m'embarquais en allant voir ce film.
Et pourtant j'ai tout de même été surpris. Surpris déjà car c'est le premier film de Jerzy Skolimowski que je vois et m'étant renseigné sur le réalisateur a posteriori, je comprends d'autant mieux le travail artistique sur l'image qui a été réalisé pour ce film. Les couleurs, les plans, le montage ont été maniés avec brio d'une patte atypique et de façon quasi expérimentale, marquant un thème, une identité et surtout notre rétine pour notre plus grand plaisir. Pour accompagner l'image, Paweł Mykietyn a su composer une somptueuse bande originale qui insuffle une atmosphère polymorphe, oscillant au tempo du film, entre moments fantasmagoriques, mélancoliques ou oppressants.
Sans vouloir rentrer dans le détail des péripéties, que je laisserai le soin au spectateur de découvrir; le film ne fait pas dans la grasse culpabilité et reste subtil face caméra malgré quelques scènes de violences que ce soit sur des animaux ou entre hommes. Celles-ci n'enlèvent en rien la poésie présente jusqu'au bout du film où l'espoir d'Eo hante toujours ses yeux innocents. Cependant, je me sens obligé de mentionner certaines scènes magnifiques qui me resteront gravées comme celle des chevaux qui galopent librement dans les prés juste à côté d'Eo et celle des animaux et du tunnel dans la forêt lors de la traversée nocturne. On devinerait presque ce que pense Eo à chaque instant sans pour autant qu'il ne prononce un mot; ce qui fait la force du film, c'est la quasi absence de parole. L'animal ne peut pas être plus au coeur de l'histoire.
Ce que l'on retient à la fin, en plus du message de Jerzy Skolimowski, c'est que celui-ci est en plus d’être un esthète est également un amoureux du cinéma. A défaut de ne pas être insensible à la cause portée dans ce film, cela donne envie de s'ouvrir au reste de sa filmographie (dont le fameux Essential Killing régulièrement cité).