Le sujet de la souffrance animale est, dans la société de surconsommation qui est la notre, polémique. Il suffit d'aborder la question de la nécessité de manger moins de viande, sans même parler d'arrêter, en famille ou avec des inconnus, pour constater à quel point les uns et les autres ont des capacités différentes à faire de efforts ou à fermer les yeux sur les systèmes qu'ils alimentent.
Faire tout un film autour de ce sujet est donc nécessairement casse gueule.
Là où la manière qu'à EO d'aborder ce sujet est si intéressante, et parmi les meilleures pour se faire entendre, c'est que si il passe par l'émotionnel, il le fait sans humaniser son personnage. On suit donc cet âne, perdu dans le monde hostile pour lui qu'est celui des Hommes. Sans repères, sans compréhension, simple témoin d'un large éventail de souffrances, errant sans pouvoir s'exprimer par autre chose que son regard.
Et quel regard que celui d'un âne ! Comme en écho à celui du spectateur, constamment bluffé par la beauté de cette errance contemplative, aussi fascinante que terrifiante.
Il y a un trou, que je compte bien m'appliquer à combler, de presque 50 ans dans ma découverte de la filmographie de Jerzy Skolimowski, le plus récent que j'avais vu avant celui là étant Deep End, mais les qualité de son cinéma sont toujours curieusement les mêmes. Il est un cinéaste de son temps, évoluant avec lui. En résulte une forme toujours sublime, mais jamais formaliste, car derrière les superbes écrins visuels appuyés par des bandes originales hors du commun, il scrute toujours aussi bien les inquiétudes et préoccupations d'aujourd'hui qu'il ne le faisait jadis dans les vestiaires d'une piscine britannique ou bien caché dans un coffre au salon de l'auto.