- On ne décide pas de tomber amoureux, on décide de le rester.
- Le fameux combat entre la raison et le coeur. Par exemple, Phèdre aime quelqu'un qu'elle n'a pas le droit d'aimer. Est-ce que cela l'empêche d'aimer néanmoins ?
- Non, mais attendez. Moi ça me dérange quand même, parce que vous dites qu'elle n'a pas le droit d'aimer, mais qui a dit qui a le droit ?
Florent Gonçalves ancien directeur d'un pénitencier pour femmes à Versailles s'était épris d'une détenue avec qui il eut une liaison pendant deux ans. La jeune femme en question que les détenus appelaient : "Madame la directrice", faisait partie du "gang des barbares" (responsable d'une tragédie antisémite qui toucha la France en 2006, pour le meurtre d’un jeune homme nommé Halimi qui fut torturé juste parce qu'il était juif). Du fait de cette relation le directeur finira à son tour emprisonné durant un an, perdant son statut, jusqu'à sa famille. Durant son année d'emprisonnement, Florent Goncalves écrira en 2012 le livre autobiographique "Défense d’aimer" relatant son histoire d'amour passionnée, afin de donner sa version des évènements.
Avec un tel récit, il est tout à fait compréhensible que le réalisateur Pierre Godeau se soit pris de passion pour cette histoire vraie étonnante. Le cinéaste s'inspire du récit d'amour sans prendre en compte le fameux gang des barbares. Néanmoins, pas une fois le récit divulgue pour quelle raison la jeune Emma (incarnée par Adèle Exarchopoulos) est incarcérée en prison, laissant place au doute. Chacun se fera sa propre idée ce qui n'est pas plus mal. L'intrigue se concentre sur ce qui a amené la jeune Emma et le directeur de la prison (incarné par Guillaume Gallienne) à succomber l'un à l'autre. Pas d'histoire amoureuse à l'eau de rose, Godeau décrit une passion dévorante sous forme de pulsion impossible à contourner.
Une relation passionnelle et dévorante offrant des scènes de sexe captivantes. Un plaisir d'ivresse charnelle nourrie d'entrelacements transpirant d'ardeur, nous transmettant avec fougue et réalisme leurs ébats frénétiques, à un point où on croirait qu'ils couchent réellement ensemble. Il est très intéressant de voir le directeur ainsi qu'Emma lutter contre cette pulsion à laquelle ils ne peuvent se soustraire, comme des drogués en manque de dose. En même temps, face à la beauté ravageuse d'Adèle Exarchopoulos comment ne pas succomber à l'érotisme qu'elle dégage.
Les comédiens principaux sont très bons, on est littéralement absorbée par leur liaison. Ils représentent le point d'ancrage de l'intrigue, un film d'acteur. Adèle Exarchopoulos est juste magnifique et troublante de désir, on ne parvient jamais vraiment à savoir ce qu'elle pense. La comédienne dégage beaucoup de sensualité dans ce rôle mystérieux et magnétique. Guillaume Gallienne m'a surpris, je ne l'attendais absolument pas dans ce genre de rôle. Il transmet une pallette d'émotion très large, on est littéralement happé dans son supplice, une plongée difficile dans les tréfonds du désir. Leur duo fonctionne totalement, ils sont attractifs, fascinants et fusionnels. Je tire également mon chapeau à la comédienne Stéphanie Cléau qui offre une belle performance d'épouse et maman bafouée par la relation interdite d'Emma et de son mari.
L'ambiance est soignée, il se dégage une atmosphère subversive grâce à l'univers carcéral qui est superbement représenté vu qu'Éperdument est réellement tourné en prison... et avec de vraies détenues s'il vous plaît. Côté réalisme on ne peut pas faire mieux, immersion 100% garantie. Pierre Godeau livre de belles scènes comme le premier baiser sulfureux de beauté, ou lorsque Emma dessine avec un rouge à lèvres sur le mur de la cellule une maison en imaginant ce que serait sa vie avec Gallienne... Le cinéaste évite les clichés habituels pour ce genre. On est littéralement absorbés par leur liaison, dont on ne cesse de se demander comment tout cela va se terminer, car on sait qu'ils ne peuvent qu'aller droit dans le mur. La composition musicale est étonnamment bonne grace au compositeur Robin Coudert, qui offre quelques thèmes touchants, avec des chansons rendant l'immersion du long-métrage plus prolifique et touchant.
Désillusion au niveau du final qui est frustrant. Sincèrement, à la fin de mon premier visionnage je ne savais pas trop quoi penser. Pierre Godeau a mis un point d'honneur à ne pas donner de conclusion à son histoire amoureuse. Il préfère nous laisser libres d'imaginer ce que devient le duo en terminant sur une séquence qui peut vouloir tout dire, et en même temps ne rien dire. Sur le moment j'ai détesté le choix du réalisateur, encore aujourd'hui je ne comprends pas l'intérêt. On regarde un récit nous racontant une histoire d'amour impossible et on nous prive du résultat final, il faut se l'imaginer. Pire on ne connaît même pas les résultats de l'audience, il faudra juste se contenter d'un sourire entre les deux tourtereaux. Est-ce que le final de cette histoire est le même que celui de l'histoire vraie ? On ne sait pas. Même dans les reportages Godeau refuse de dévoiler la fin, préférant qu'on se fasse notre propre opinion. Le genre de schéma que j'apprécie dans des films comme Prisoners, mais qui (à mon sens) n'a pas sa place dans ce récit. C'est dommage, cela empêche de terminer sur une bonne note, sachant qu'Éperdument mérite plus d'acclamation.
CONCLUSION :
Éperdument est un film réalisé par Pierre Godeau sur un sujet très accrocheur, immersif et poignant. Le réalisme et la justesse incroyable de Guillaume Gallienne et Adèle Exarchopoulos forcent l'admiration. On est pris dans cet engrenage qui nous envoie au fond du gouffre dans une passion lascive, dévorante et destructrice. Bravo au jeune cinéaste qui pour sa deuxième réalisation livre une oeuvre pertinente et sulfureuse, certes avec des défauts, mais c'est très encourageant pour le futur du cinéma Français.
Petit coup de coeur, pour une petite pépite de sensualité érotique et dramatique.
Pour ceux intéressés, le trailer qui est par ailleurs étonnamment bon : https://www.youtube.com/watch?v=CWwdT9FzW7s