Injustement rejeté à sa sortie en 2002, Equilibrium de Kurt Wimmer fait partie de ces films qui refont tout doucement surface au bout de quelques années et deviennent de vraies petites références dans leur domaine. Les causes de son rejet initial sont simples. Equilibrium a bénéficié d'un slogan provocateur des plus ridicules à son égard, le comparant directement à son soi-disant rival Matrix. "Forget The Matrix", telle est la raison de cet injuste rejet, discréditant cruellement les valeurs du film, notamment à cause de costumes et chorégraphies de combats s'y rapprochant.
Remettons les choses dans leur contexte, Equilibrium s'inspire directement des imaginations débordantes de George Orwell et Ray Bradbury, avec respectivement 1984 et Fahrenheit 451 et situe l'action en 2070, dans la ville de Libria. Suite à un terrible holocauste nucléaire, l'Homme a choisi de se dénuer de ses propres sentiments afin de maintenir la paix, ce grâce à un produit le privant de ses facultés émotionnelles, sa capacité de ressentir, désirer et haïr. De par ce contexte, on peut dores et déjà éliminer tout éventuel rapprochement avec Matrix...
Disposant d'un sujet simple et ambitieux mais soumis à un budget modeste, Kurt Wimmer parvient à constituer un décor futuriste efficace et déprimant, accentué par un ton général grisâtre d'une froideur accablante. De nature apathique et uniformisée, l’atmosphère du film permet une gestion habile des espaces, laissant les principaux protagonistes se fondre dans la masse et user de leur talent comme il se doit. Christian Bale en tête nous livre une descente aux enfers d'une force et d'une habileté poignantes au beau milieu de ce monde si sombre et silencieux. Son regard s'ouvre sur le monde qui l'entoure, permettant au spectateur d'éprouver une véritable empathie envers le héros, grâce notamment à une prestation irréprochable et à un cadre travaillé.
Malgré un maigre budget, les effets spéciaux ne sont pas laissés de côté. Neutres et discrets, ils alimentent les séquences d'actions de manière très correcte, aux profits entre autres des chorégraphies de combat efficaces et précises. Malheureusement, certaines scènes un poil superflues subsistent, destinées uniquement à remplir et "conventionner" le film, que les détracteurs n'hésiteront pas à se servir pour le discréditer davantage. A l'inverse, nul ne pourra ignorer quelques séquences mémorablement émouvantes et estimables. Tout expressionnisme est prodigué ; chacune de ses apparitions l'épure, l'idéalise, le glorifie. Sa rareté est telle qu'elle lui procure une valeur simplement inestimable...
Finalement, même si Kurt Wimmer ne fait que sous-entendre l'adaptation d’œuvres de ses écrivains préférés, il livre un film fort d'un indéniable caractère. A la fois rythmé et éloquent, il ne néglige en aucun cas les valeurs fondamentales de ses inspirations et rend une série B qui, avec l'âge, se renforce et s'accomplit. Equilibrium a été pour ma part un vrai déclic dans mon ouverture à la science fiction et l'anticipation. Un film que je chéris et affectionne, auquel je prends un plaisir fou à revoir et à faire découvrir... Equilibrium, pour moi, c'est ça, et nous sommes bien loin de Matrix.