Le cinéma nous transporte. Nous regardons l’écran avec des rêves plein la tête, peu importe lesquels, nous rêvons. Nous rêvons en regardant des rêves, tels d’omniscients démiurges d’un monde que nous ne pouvons changer mais dont nous observons la destruction et la reconstruction dans une boucle qui ne saurait être bouclée. Nous créons nos propres rêves en images pour en permettre d’autres encore, foisonnement d’univers fruits de nos désirs. Des désirs font naître des créations, des créations font naître des émotions. En définitive, nous sommes nos propres aspirations.
Ecclésiaste Preston, fer de lance de cette société, parangon de ses préceptes et doctrines, s’articule autour de quelque chose qu’il n’a jamais touché. Au travers de ses tribulations en un macrocosme complètement artificiel, nous voyageons avec nous. Nous redécouvrons ce qui nous a amené à le regarder, lui, agent qui se meut face à des paysages jonchés d’un magnifique passé qui doit de nouveau s’élever, lui qui est mort pour mieux vivre. La perte de sentiments provoque la mort. Nous suivons un cadavre qui revit, attisant les ombres du linceul qui l’enveloppait, qu’on lui a imposé. Kurt Wimmer a fait mourir l’Homme pour mieux le faire renaître, le faire naître tout simplement, pour voir la beauté de ce qui l’entoure et le façonne.
« Mais moi étant pauvre, je n’ai que mes rêves. J’ai étalé mes rêves sous vos pieds. Piétiné doucement, car vous avez piétiné mes rêves. Je suppose que tu rêves Preston. », nous annonce un Ecclésiaste Partrige, touché par son humanité et ses songes retrouvés, presque le commandement d’un stratège suppliant pour le salut de son armée en perdition. Un homme accuse les hommes d’en être. La caméra de Wimmer ne nous montre pas un film de dictature sur simple fond de SF mais un regard, un regard plein d’émotions. Des émotions retranscrites non pas par les décors ternes, plats, simplistes, vides de toute tentation, vides comme le monde, mais par l’impassibilité d’un visage qui ne demande qu’à réapprendre. Que ce soit notre reflet dans le miroir, le soleil sur un panorama d’ordinaire abîmé par son austérité, la morsure glaciale d’une rampe d’escalier, la caresse d’un doigt hésitant sur une joue délicate ou un ruban de soie rouge imbibé de la promesse d’une réincarnation, tout est prétexte à une contemplation nécessaire à la survie et le réveil de nos émotions, même au sein du désespoir le plus absolu.
Des mots, toujours des mots. Mais tous les mots du monde ne peuvent remplacer l’impact du plus petit des maux qui nous ébranle au-delà de ce que nous avons pu considérer comme acquis.
« C’est circulaire, nous existons pour continuer notre existence, quel est l’intérêt ? L’intérêt de mon existence est de ressentir et sans ça, respirer n’est qu’un cliquetis de montre. Parce que vous ne l’avez jamais fait vous ne pouvez pas savoir ce que c’est. »