J’ai toujours aimé le cinéma pour sa capacité à véhiculer des messages, à exposer des points de vue sur le monde et à nous aider à réfléchir dessus. Vous savez aussi, probablement, que les dystopies m’ont toujours intéressé, car leur approche négative de notre futur permet d’exposer les travers de notre présent, ainsi que de notre passé. De fait, certaines dystopies cinématographiques figurent parmi mes films préférés, comme Metropolis et Dark City, et d’autres sont devenues des classiques, comme Blade Runner. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de parler d’un chef d’œuvre, mais d’un film relativement peu connu et qui, pourtant, dispose de nombreuses qualités qui méritent qu’on s’attarde sur lui : Equilibrium.
Dans ce futur imaginaire, les guerres n’existent plus, la société a été nettoyée de toutes ses pulsions belliqueuses par l’utilisation du Prozium, un produit qui efface purement et simplement les émotions. John Preston, éminent Ecclésiaste, sorte de soldat d’élite, est chargé par les hautes instances d’éradiquer toutes les personnes divergeant des carcans du système, cachant des œuvres d’art, lesquelles sont presque toutes systématiquement supprimées. Dans cet univers rappelant Fahrenheit 451, la « paix » est maintenue par l’oppression d’une dictature qui écrase une société dépourvue de son libre arbitre.
Equilibrium s’articule sur une prise de conscience, celle de John Preston, le soldat ultime qui, pourtant, va peu à peu prendre la mesure de l’importance des émotions et des sentiments chez l’Homme. En effet, la solution du pouvoir en place était de supprimer ces dernières pour éviter tout risque de guerre. Mais, au fil de l’intrigue, on prend conscience des diverses conséquences engendrées par une telle mesure. Tout d’abord, si les mauvais sentiments sont effacés, les bons le sont aussi. Le titre du film fait directement allusion à cette notion d’équilibre, l’idée que sans bien il n’y a pas de mal, et réciproquement, et que la suppression des deux résulte en une inertie générale et fatale.
Ensuite, les sentiments sont présentés comme des composants essentiels à l’être humain. Ils sont ce qui le caractérisent, et la renonciation de John Preston à utiliser du Prozium le mène à de nouveau percevoir ces sentiments, à la vue d’un animal innocent, ou à l’ouïe d’un morceau de musique. Comme un enfant, il redécouvre le monde, la perception des couleurs lui revient, et il parvient à de nouveau penser par lui-même, à travers les expériences vécues grâce à ses sentiments, aux livres, aux peintures et à la musique. Des humains émanent les sentiments, et ces derniers s’impriment et se dégagent avec l’art. Finalement, l’être humain n’est bon et vrai que dans son imperfection. La volonté farouche de le rendre parfait le rend insipide et dangereux, et si le mal lui est inhérent en temps normal et de façon naturelle, il ne peut rien dégager de bon si on éradique durablement le mal.
Equilibrium se présente comme un mélange des genres, un film alternant philosophie et action, créant ces personnages implacables, sortes de samouraïs du futur, assumant son aspect d’actioner par moments, mais ne tombant jamais dans la médiocrité. Tous les éléments du récit apportent une petite couche de réflexion quant à la dualité de l’humain et de l’univers, la seule à pouvoir garantir un certain équilibre. Equilibrium ne se hisse peut-être pas au niveau des grands classiques en la matière, mais les amateurs de ce genre de film y trouveront sans aucun doute leur compte.