Une plongée dans l’univers de David Lynch

Dés son premier film, David Lynch nous impose son génie déstructuré dans les méandres de la folie. C'est totalement timbré et d'ailleurs le titre Eraserhead ("Tête de gomme") annonce la couleur ... on a un gros effacement du cerveau à son visionnage ! C'est donc son premier film et son film le plus barré, le plus malaisant et le plus conceptuel (à égalité avec Inland Empire). J'ai bien accroché à la direction artistique et à l'esthétique en noir et blanc qui appuie l’aspect morne et obscur du film. Mais alors, pour le reste, pour la compréhension du film ... il faut vraiment s'accrocher !

Le film est exigent et ne va rien faire pour vous faciliter la tâche. Cependant, j'y vois tout de même une allégorie sur la dépression post-partum. Devenir parent, avoir des enfants, ça nous pousse en quelques sorte à tuer l'enfant qu'il y a en nous. C'est le message que je retiens du film, à partir du moment où on pénètre dans les rêves d'Henry (Jack Nance), comme quand il retire les fœtus du lit comme si c'étaient des petites parcelles d'enfances à détruire. Dans la même idée et toujours dans ses rêves, il y a aussi la femme aux bajoues qui écrase les fœtus au fur et à mesure qu'ils tombent sur la scène.

J’adore le titre du film Eraserhead, il fait référence au rêve de l’usine à gommes et dans le fait de vouloir effacer certaines choses dans sa vie. Le bébé est quelque chose qu’Henry aimerait pouvoir effacer, mais qu’il ne peut pas. Et le fait que se soit le premier film de David Lynch, son premier enfant en quelques sorte, va dans le sens de cette interprétation. Et je pense que David Lynch avait vraiment à cœur de faire ce film pour pouvoir justement s'émanciper de son état d'apprentie réalisateur, pour se diriger vers celui d'auteur émérite du septième art.

Dans une interview de David Lynch, il dit avoir vécu à Philadelphie et qu'il voyait cette ville comme une ville cauchemardesque et malsaine. Je pense qu'il a donc donné une retranscription de ce qu'il ressentait pendant cette période, avec toute les horreurs qu'il a vu/vécu pour illustrer le cauchemar dans lequel il vie. C'est quand on lui annonce qu'il va être père, que le cauchemar commence ...

et c'est l'addition de tous ses éléments cauchemardesques qui le pousse donc à tuer son fils à la fin du film.

Selon mon interprétation, Eraserhead représente donc l'angoisse de la grossesse et du rôle de père. A cette époque, la femme de David Lynch était enceinte de leur premier enfant (Jennifer Lynch). David Lynch a dû craindre de perdre son premier enfant avec sa première femme, j'imagine à cause de malformations du fœtus. Un peu comme une fable, je verrais ça comme une introspection, un genre de voyage à travers un certain mal être. Celui-ci est représenté par le fœtus qui le maintient dans ce malaise et qui en est malgré lui responsable.

Rien de l'œuvre de David Lynch n'est réalisée sans que ce dernier lui donne tout un sens. Il sait ce qu'il cherche à exprimer et pousse l'expression de ses films dans une même continuité. Il passe par l'expressionisme, le surréalisme et la bizarrerie parce qu'il n'a pas forcément envie de passer par une représentation du réel qui ne lui permettrait pas de développer son propos comme il l'entend. Il n'a pas passé cinq ans sur ce film, pour qu'on dise de lui qu'il "ne sait pas ce qu'il fait".

Eraserhead est le plus sombre et le plus dérangeant de toutes les œuvres de David Lynch. Le film nous fait voyager dans la conscience d'Henry, qui essaie d’échapper a une forme de réalité qui le terrifie. C'est un mauvais rêve transposé à l'écran qui va réellement vous mettre mal a l’aise ... et donc à ne pas conseiller à tout le monde. Moi même je ne sais pas trop quoi en penser. C'est un film exigeant, pas facile d'accès et difficilement appréciable ... mais très intéressant pour comprendre le travail de David Lynch !

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le 4 mai 2024

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lessthantod

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