Je connaissais certaines photos d'Ernest Cole, très peu à la vérité. L'une d'entre elles m'était restée en mémoire. On y voit une femme blanche, plus très jeune, assise à l'extrémité d'un banc dans un jardin public ; est-ce pour que les passants voient bien ce qui est écrit à côté d'elle : Europeans only ? Toutes les photos qu'E. Cole a prises en R.S.A., d'un magnifique noir et blanc, - au moment où j'écris cela, je suis troublé d'évoquer de cette façon leur qualité esthétique - témoignent de ce qu'était le quotidien de l'apartheid : des regards perdus, un espace public visiblement segmenté, des townships misérables, des populations résignées, bousculées, des scènes d'une troublante ambiguïté (des nounous noires serrant dans leurs bras des enfants qui les tiendront ensuite à distance quand ils seront grands). Ernest Cole, qui a fui son pays après la parution de son ouvrage House of bondage se fera alors le témoin d'une Amérique raciste. Les scènes de rue qu'il a réussi à saisir n'auraient probablement pas pu être prises par un Blanc.
Il est surprenant d'apprendre par ailleurs qu'une très grandes quantités de ses négatifs ont été retrouvés dans le coffre d'une banque à Stockholm, après sa mort.
La construction du film n'a pas beaucoup de défauts. J'aurais peut-être souhaité que l'on s'attarde plus sur certaines photos et qu'on s'en tienne à leur cadre d'origine. Ces remarques sont mineures par rapport à la force du récit, où le beau visage d'Ernest Cole revient comme un leitmotiv.