« Toutes les grandes personnes ont d’abord été enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent. » Comme pour répondre à Antoine de Saint-Exupéry, la superstition qui a résonné toute cette fin d’année sonne comme le réveil d’une genèse oubliée. En effet, en parallèle à l’Apocalypse, thème récurent de 2012, c’est celui de l’enfance qui surgit d’outre-tombe.
Qu’il s’agisse des deux amis de Bellflower (Evan Goldell) émerveillés devant la voiture qu’ils s’apprêtent à construire ou de Hushpuppy, reine de son havre qu’est le Bathtub (Les bêtes du Sud sauvage, Benh Zeitlin), une vague infantile a déferlé sur un cinéma aux airs de fin du monde et c’est le bel esprit enfantin d’Ernest et Célestine qui vient apporter la touche final.
Appuyé de l’aide de Stéphane Aubier et Vincent Patar (Panique au Village), le jeune Benjamin Renner signe ici une nouvelle perle de l’animation française démontrant une fois de plus notre capacité à rivaliser avec les plus grands. Librement inspiré de l’univers de Gabrielle Vincent, le film nous conte l’histoire d’un ours et d’une souris devenus meilleurs amis du monde malgré les préceptes de leurs sociétés respectives.

Il est impressionnant de voir a quel point le pastel et l’aquarelle donnent de la vie à ce petit monde haut en couleur. Allant de la grande précision à l’impressionnisme de Monet, l’image fait preuve d’un dynamisme incroyable et l’on est transporté par la beauté des dessins très épurés, ceux d’une enfant débordante d'imagination, ceux que Célestine réalise tout au long du film. On se laisse bercer par les mouvements d’une animation emplie de références en tout genre qu’elles viennent de France ou du Japon. On relèvera par exemple la nuée de policier ou même le frissonnement de la peau (cf. Positif n°622, Décembre 2012) directements inspirés des techniques utilisées par Hayao Miyazaki (cf. Ponyo sur la falaise, Le voyage de Chihiro, Princesse Mononoke) ou encore l’usage des couleurs proche l’oeuvre de Jean-François Laguionie (Le Tableau, L’île de Black Mor).

Au milieu de ce décor se place nos deux personnages principaux. D’un côté Célestine, rongeur vif et rebelle, vivant dans une société où l’ours représente la plus grande des terreurs tout en étant l’unique moyen de survie. De l’autre Ernest, mammifère bougon et artiste de rue au sein d’une ville régie par un confiseur au sens des affaires prononcé et où le mythe de la petite souris prend tout son sens. On soulignera au passage le travail de Lambert Wilson qui prête sa voix à notre ours mal léché et lui apporte une grande vitalité.
A travers l’idée d’un antagonisme complémentaire liant le monde du dessus et du dessous que Benjamin Renner nous offre une magnifique illustration de son amour pour l’animation et le cinéma en général. Lorsqu'Ernest musicien et Célestine dessinatrice s’associent lors d’une très belle scène de transition entre l’hiver et le printemps, l’image vient embrasser le son du violon pour nous servir un doux mariage de ces deux arts très différents mais presque indissociable.

C’est avec humour et finesse que nous suivons les aventures de ce petit couple recherché activement par toute la population. Population qui tend petit à petit vers l’union, malgré la méfiance réciproque qui pèse sur les deux villes, jusqu’a se recouper totalement lors du procès des deux amis. La force de ce lien, la beauté des images et la légèreté de cette histoire nous fait subitement retomber en enfance pendant 1 h 20 et l’exaltation est immense lorsque l’on entend résonner les mots « je veux retrouver Célestine/Ernest et vivre avec elle/lui pour toujours. »
Le film nous fait redécouvrir avec brio nos premières émotions des salles de cinéma et nous rappel pourquoi nous aimons encore nous y rendre.

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le 6 janv. 2013

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T-Mac

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