C'est bien connu l'amour à deux, c'est bien. L'amour à trois, c'est mieux. Et comment ne pas être plus comblé avec ce plan à trois sorti tout droit de la tête de Stéphane Aubier, Vincent Patar et Benjamin Renner ? Cette idée de reprendre les œuvres de Gabrielle Vincent sur Ernest et Célestine. Comment peut-on ne pas être subjugué par tant d'amour, de poésie et de symboles forts déversés sous nos yeux ?
Les cinéastes nous proposent des dessins atypiques fidèles aux albums originaux, des semblants d'esquisses paradoxalement très aboutis, qui génèrent un charme et une originalité certaine. Nous suivons Célestine la petite souris, prête à dire Cheese à la vie, qui rencontre rapidement un gros nounours, pas très mielleux, nommé Ernest.
Tout les sépare dans ce monde affreux où le conformisme règne en maître. Nous allons vivre leur histoire, dans une fresque splendide et sociale, qui touchera enfants par sa naïveté, sa délicatesse et ce côté coquet, comme il touchera l'adulte tant elle est forte, émouvante, et subtilement critique.
Dès l'introduction, ô combien merveilleuse, nous découvrons la virtuose du crayon Célestine dans un monde formaté par la peur, la peur d'une mégère qui raconte l'histoire du grand méchant ours. Entre ces jeux d'ombres et de lumières splendides, nous cernons une critique sur l'aliénation des enfants, qui nous rappelle que, dans la bouche des enfants, réside bien trop souvent la vérité des parents. Et, notre petite souris, elle, elle ne veut pas y croire à ça. Non.
Et... c'est trop mignon.
Ernest, lui, est un pauvre musicien, qui lutte pour manger à sa faim en nous faisant rire avec une drôle de prestation. Mais en cherchant plus loin, on s'émeut du destin d'Ernest, on réfléchit sur la précarité générale des artistes. Et c'est d'autant plus affirmé par Célestine, dont les aînés ne voient en elle qu'une futur dentiste, alors qu'on sait bien, que son truc à elle, c'est le dessin. Elle en a marre d'être esclavagé par ces stages à la con. Oui, elle en a marre. Mais ne respectant pas comme il se doit le choix d'avenir imposé par les parents, la déception est toujours plus grande pour l'enfant quand ces derniers insistes. Et cette déception peut être parfois synonyme d'exclusion. La rencontre de notre bébé souris et notre gros ourson est inévitable. C'est l'âme de deux artistes qui se rejoignent.
Et... c'est trop mignon.
Puis d'un autre côté, il y a les personnages secondaires, ces humains, qui apportent gags et bonne humeur. Comme ce marchand de bonbons qui fournit du bonheur aux chérubins, avec son sourire jusqu'aux oreilles. Ce même homme qui casse du sucre sur le dos de ces bambins, en disant à son fils qu'ils sont bêtes de se gaver et qu'ils perdront bêtement leurs dents, juste pour le bonheur du commerce de sa femme dentiste. Car oui, il ne faut pas croire ce que les marchands de rêves et de bonheurs nous disent. Il faut savoir apprécier modérément les bonnes choses de la vie, pour ne pas se faire enfler. (Sinon tu fais comme Depardieu.) Puis ces hommes qui parlent de la petite souris comme un miracle, ils nous font sourire. Mais c'est autre chose lorsqu'une vraie souris arrive. Leur comportement change. C'est tristement drôle.
Mais... c'est trop mignon.
Le film déborde de symbolique, et peut même avoir plusieurs lectures. Par exemple, la scène où Célestine cherche à s'immiscer dans la maison de son compagnon d'infortune. On peut y voir le symbole de la ségrégation, comme quoi il n'est pas bon de mélanger une souris et un ours. Ou bien y voir une contestation du rapport entre homme et animal, où on dit qu'une souris, ça vit dehors, et quand on accueille une, mille suivent (coucou l'émigration).En cherchant bien, on pourrait même y cerner un furtif regard sur l'homosexualité (voulu ou non), sur le regard des autres, les accusations, le fait de comment camoufler leur lien tout comme le camion. C'est nous, les francophones, qui offrons un des plus beaux films du monde sur la tolérance.
Et... c'est trop mignon.
Cette pépite de l'animation est plutôt courte, mais en dit tellement long. Chaque scène a son importance et transmet des émotions incroyables. Ce conte fabuleux émerveille comme rarement, avec ces deux êtres que tout sépare, avec ces deux êtres qui sont, au fond, identiques. Comme le montre cette scène des cauchemars : une scène qui donne une envie de se mettre en PLS tant c'est beau et triste à la fois. Puis il y a ces dernières scènes avec cette justice affreuse qui se bat contre ces deux pauvres bêtes qui restent fidèles à leurs convictions et à leur partenaire. C'est mignon. C'est accablant.
Et... j'ai pleuré.
Miskine.
Et même si l'animation n'est pas toujours fluide, cette histoire est parfaite. Mêlant choupinesse et malaise politique, à l'instar de l'incroyable charme du dessin, ce dessin-animé marque l'Homme. C'est plus qu'un simple conte. C'est un model contre le conformisme. C'est un chef d'oeuvre. Comment fait mieux dans le genre ? Je vous le demande. Car quant on voit cet épilogue... quand nos protagonistes cherchent à embellir leur histoire pour la raconter... Ils sont mignons... mais c'est tout bonnement impossible de rendre cette histoire plus magnifique qu'elle ne l'est déjà.