2 exclus ami ami

Tu veux vivre avec un ours ? Quelle drôle d'idée !

Le Juge

Récemment, lors de ma critique du Grand Méchant Renard, j'ai eu un petit échange avec un de mes éclaireurs que je salue bien (si tu lis sache que j'adore ce que tu fais et nos débats) et je me suis posé cette question : Pourquoi le cinéma d'animation française peine à marcher alors que nos productions sont majoritairement de qualité ? Et pourtant, c'est triste par ce qu'il y a des productions qui ont suffisamment marché pour qu'on dise que oui ! Il y a un public pour ça. Et pourtant on peine (et ce n'est pas les 700 000 entrées de Ma Vie de Courgette qui changeront l'affaire, tant la pub a été vraiment agressive pour ce film. Car Dofus qui est pourtant très bon , en 3D et surtout l'adaptation d'un jeu vidéo avec une énorme fan base n'a pas tenu une semaine, Tout en haut du monde a été oublié très vite, La Tortue Rouge a été balayé par le Monde de Dory etc etc). Du coup, quand un film même en 2D arrive à se faire remarqué, cela fait toujours plaisir. Mais je ne pensais pas qu'Ernest et Célestine, pourtant l'adaptation d'un conte pour enfant avec un public inférieur à 5 ans (oui , j'ai lu des tomes de ce conte et cela ne va pas plus haut, c'est minion mais c'est tout) a réussi à se frayer un chemin et est devenu presque un film culte. L'ayant vu récemment, j'ai compris pourquoi. Car ce film est objectivement, meilleur que la série de conte originale.

Une réalisation dans l'esprit du conte

Au niveau de la réalisation, on a l'un des réalisateurs du Grand Méchant Renard Benjamin Renner (c'est lui qui réalise le segment central du Grand Méchant Renard) , Stéphane Aubier et
Vincent Patar. Ils ont fait un film d'animation qui retranscrit à la perfection l'ambiance du conte et le style aquarelle qu'on connaît bien. Une ambiance assez poétique et enfantine qui fonctionne. L'animation est aussi très fluide, les personnages sont reconnaissables en dehors de leur simple apparence et ils sont diversifiés. Le monde des souris est très anxiogène et souterrain alors que le monde des ours est assez proche du notre version année 80. La musique participe à cette ambiance de conte très rétro et c'est assez minions. En revanche les personnages qui sont plus nombreux que les contes (qui étaient en général centré sur le duo) sont très intéressants.

Beaucoup de liberté envers la série de contes

Déjà, Ernest et Célestine (Lambert Wilson et Pauline Brunner ) ont des traits de caractères ressemblants mais sont très différents du conte. Ernest l'ours est ici un ours brun plus marginal et sans emploi. C'est la figure même de l'artiste raté, clochardisé, au point qui fait les poubelles. Il n'a pas le coté paternaliste et pragmatique du conte et est ici un gros bourrin maladroit. Cela dit il reste vraiment sympathique et cela va avec la thématique du film. Célestine la souris conserve son coté attachant et astucieux du conte, mais bien plus prononcé. C'est la figure de la fille je-sais-tout qui ne croit pas aux préjugés sur les ours. Elle fait son travail de petite souris (à savoir récolter des dents pour les autres souris) mais veut faire des dessins. Elle trouve en Ernest un père de substitution et lui une fille adoptive.

Il y a aussi certains personnages secondaires qui se démarquent:

Georges, le confiseur ours (Patrice Melennec, qui est la voix de John Gandolfini et celle de Joe Pesci dans la saga des Home Alone), sa femme Lucienne la dentiste ours (Brigitte Virtudes qui n'est pas si connue que ça mais qu'on retient comme étant la voix de certaines productions, notamment Mary dans Wall-E) et Léon (Léonard Louf) qui forme une famille ours qui semble modèle mais qui a un système assez malsain mais dans avec un sous-texte pas bête du tout. (On parle d'un confiseur qui donne des bonbons aux enfants sachant pertinemment qu'ils vont faire soigner leur dents chez sa femme.

Chez les souris, on a le chef de clinique rat (Dominique Collignon-Maurin alias Nicolas Cage, Kevin Kline, Willem Defoe, Mark Hamill et la période bad guy de Gary Oldman) qui est le chef de Célestine et qui n'est là que pour faire de l'exposition de la nécessité du travail de cette dernière et la Grise, souris gardienne de l'orphelinat (Anne-Marie Loop) qui s'occupe de Célestine et des orphelines en leur racontant des histoires notamment sur les ours qui sont dépeints comme monstrueux.

Zootopie avant l'heure

Oui autant faire l'affaire tout de suite. L'animé, derrière son aspect de conte pour enfant, va bien plus loin que le conte originel où il n'y avait pas ce sous-texte. Et c'est vraiment bien que les auteurs ont pris comme base un conte pour raconter une toute autre histoire , qui est en faite une origin story. Bref, si on connaît les contes, on peut très ben concevoir que le film se déroule bien avant. Bon les sens de lectures évidentes sont une réflexion sur les préjugés, l'exclusion, le fonctionnement de la société, le fait de poursuivre ses rêves ou non. Le film a plusieurs sous-textes intéressants et donc matures. Cela dit, bien que le film possède des sous-textes que le conte n'a pas , cela ne veut pas dire que les contes originaux sont moins biens. En 20 ans d'existence, les contes sont suffisamment intéressants et ont de très bonnes valeurs morales pour les petits. Mais le film va bien plus loin que ça. Enfin, le film parle aussi de lui-même et se met en abîme de manière intelligent bien que pas subtile (cela se voit à la fin)

Pour le film, Célestine est Gabrielle Vincent et Ernest est Daniel Pennac. Le conte est demeuré dans le monde des souris, à savoir des contes pour enfant, afin de le confronté au monde des ours qui est le monde des contes avec un public plus large. Surtout que Gabrielle Vincent était une artiste qui exposait très peu ses œuvres de son vivant

Jolie Conte de 2012

Si le film a réussi à toucher autant de monde, cela montre à quel point l'animation française fait parti de l'une des meilleurs et est une animation auquel il faut donner sa chance. Surtout que les gars de Moi Moche et Méchant sont aussi français, clair que les talents sont bien là. Bien sûr, il y a des œuvres moins bonnes (salut Totally Spies et Cendrillon aux Far Ouest) ou qui face moins envie comme le récent As de la Jungle. Mais ce sont que quelques îlots comparés à la masse qu'on peu produire. Du coup, n'attendons pas le prochain Astérix pour lui donner sa chance (ce qui me fait penser sur le pourquoi de la non adaptation de Spirou en film d'animation...)