Je disais à l'occasion de la sortie du dernier film de Ken Loach craindre à chaque fois d'être lassé par sa naïveté (de façade), par son univers reconnaissable au bout de deux minutes. Il en est de même avec son compagnon d'armes (cinématographique) marseillais qui lui aussi glorifie la solidarité, l’humanisme et fait du cinéma le dernier bastion où l'utopie peut encore exister.
Et la dernière rencontre avec Robert Guédiguian et son "Twist à Bamako"s'étant très mal passée j'avais un peu peur au moment d'aborder ce nouvel opus. Mes craintes ont été vite balayées, le retour à Marseille correspondant au retour de sa troupe d'actrices et acteurs qui fonctionne comme une famille, de ces paysages qu'il continue à voir et montrer avec les yeux enamourés d'un touriste, de ses thèmes fétiches, y compris l'Arménie et la croyance en l'activisme social et politique.
S'il prend un terrible fait divers comme point de départ il s'en écarte immédiatement pour dresser le portrait d'une engagée, courageuse et amoureuse, qui lutte contre la désunion des forces de gauche tout en vivant sa vie de femme, de mère. C'est ainsi que Guédiguian se permet de lier le pur romanesque, des moments de fugue, à la lutte concrète, créant des moments de cinéma hors du temps, comme cette danse au pied d'un immeuble ou cette utilisation du "Thème de Camille"de Delerue qu'on associe tous dès la première note au "Mépris".
"Et la fête continue !" sait donc être léger mais sérieux, une romance si simple qu'elle touche au cœur côtoyant la déliquescence de l'hôpital public, un repas rigolard en famille contrebalançant une réunion politique où tout est dit de la pensée de l'auteur sur l'état de la gauche actuelle.
Mais il ne faut pas oublier ce que je disais au début, Guédiguian est un utopiste, et s'il se montre peut-être ici plus lucide qu'à l'accoutumée sur l'état des choses, il voudra probablement qu'on retienne ceci : « Il faut affirmer sans cesse que rien n'est fini, que tout commence. ».
(Les habitués du cinéma du bonhomme auront j'espère été touchés par l'apparition furtive de l'un de ses fidèles, Jacques Boudet. Un homme tremblant mais présent. C'est peut-être ça la fidélité, celle qui permet à la fête de continuer.)