Avant de voir Yojimbo auquel Leone fait référence dans son Fistful of Dollars tout en le taxant de film moyen, il fallait que j’enchaine afin de tenter de saisir un peu de la substance de cette trilogie du dollars que tout le monde sauf son réalisateur qualifie de la sorte.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’entre les deux films, dont la continuité tient plus de la symbolique que de la véritable unité narrative, on note un changement sensible de ton, tant dans la forme que dans le récit.
Leone laisse donc un peu de côté la légèreté tout relative du premier épisode de l’Homme sans nom, donnant à l’occasion moins le loisir au personnage de Clint de faire son petit numéro de badass sarcastique, pour mieux lui faire partager l’affiche avec un partenaire —un double?— simultanément complémentaire et différent.
C’est l’introduction du personnage de Van Cleef qui marque cette fois comme le fit celle de Joe sur le premier film. On note chez les deux hommes une liberté totale d’action guidée par un esprit déterminé et un individualisme de circonstance. Le parallèle sera de facto relevé par Mortimer lui même en comparant Le Manchot (Eastwood) avec le jeune homme fougueux qu’il était jadis.
Leone use d’ailleurs du même vocabulaire visuel : regard perçant serré sous l’ombre d’un chapeau, regard défiant même, air faussement amusé, silhouette campée et gestes fulgurants de précision. En dehors de l’aspect physique évident, seul les années et l’expérience différencient les deux hommes. La similitude se retrouve dans le flou initial porté sur leur motivation et leur moralité.
Gian Maria Volontè fait office de troisième homme sans pour autant tenir la chandelle, et surtout de hijo de puta de plus grande envergure que sous les traits de Ramon, bien que le rôle lui allait comme un gant. Car l’une des réussites de Few more dollars est ce personnage fou et brillant dont la violence n’a d’égale que l’aspect torturé de son âme.
Le lien entre les trois est à la fois fortuit et intime : l’argent, la vengeance, la mort. Parfait pour faire monter la sauce, d’autant que là c’est con carne.
Si j’ai été moins frappé par la maîtrise formelle de Leone c’est sans doute plus parce que l’effet de surprise était déjà passé après le film précédent que parce qu’elle n’est plus aussi remarquable. Ceci dit, et c’est entièrement subjectif, il m’a semblé que tout en faisant preuve d’une grande identité, sa réalisation se montrait moins audacieuse, notamment dans ses cadrages. D’une manière générale, la maîtrise grandissante de Leone semble amener une façon plus posée de filmer ; et question rythme le récit tient plus la longueur que précédemment.
Est il nécessaire de préciser que Morricone est un putain de génie capable de composer une B.O brassant un panel d’émotions large allant de la petite ritournelle faussement gentille au thème grandiose en passant par la mélopée à la mélancolie malsaine sans se froisser les bourses ?
Non, je sais, c’est pas la peine.
J’imagine que cela puisse surprendre ou dérouter de voir qu’à peu de choses près je porte une petite préférence envers A Fistful of Dollars, mais c’est une question de sensibilité du moment (et de petit faible pour le personnage de Joe) ; cela dit j’adhère complètement à la tournure que prend la trilogie de l’Homme sans nom et nul doute que le bon, la brute, ou peut être bien le truand m’en donneront pour mon argent.