Premier film de la fameuse sélection cannoise 2020, accompagné pour sa sortie en salle par le Festival qui tente d’exister dans la phase de présentation de présentation au public, Eté 85 permet le retour de François Ozon déjà présent en 2017 pour L’Amant Double.
Film nostalgique sur la jeunesse révolue, le récit s’attache à l’amour passionnel et naïvement enthousiaste de deux garçons le temps de vacances en bord de plage. La reconstitution est plaisante, et la mode des années 80, très dans l’air du temps, n’est pas dénuée d’un certain charme vintage. Les garçons en question sont mignons et musclés, leur relation a tout de l’évidence qu’elle peut avoir à cet âge où l’on prend soin de ne pas se poser plus de questions qu’il n’en faut, le soleil brille et la musique les accompagne.
Il est assez difficile de déterminer si l’artificialité de toute cette atmosphère tient de la volonté explicite d’un réalisateur qui prendrait soin d’opter pour le regard de son protagoniste, ou si le film est simplement maladroit. Reste que l’écriture est laborieuse, que le jeu des comédiens prend un certain temps à trouver une certaine intensité, et que l’émotion pointe rarement. Une jolie scène dans une salle de cinéma permet de l’entrevoir, et une autre dans une boite de nuit où le port d’un casque de walkman permet accroître la bulle dans laquelle se retrouve le personnage principal, indice à la fois lyrique et cruel de ses illusions à venir.
Peut-être conscient de la maigreur de son propos, Ozon se pique de l’enrichir par une intrigue alternée, qui, dès les premiers plans, nous annonce une issue tragique et des révélations à venir. Différant sans cesse les indices au fil des séquences au présent, il pense donner une saveur nouvelle à un passé qui reste pourtant assez inepte, et toutes ses tentatives ne cessent d’exhiber une façon de grossir le trait. Le réalisateur revisite ainsi des thèmes de prédilection : l’homosexualité, ici traitée dans un versant solaire où son tabou n’est que très brièvement abordé pour l’époque, le travestissement, les bizarreries à travers un pacte qui semble surtout servir de fil blanc pour l’intrigue, et la question de l’écriture elle-même à travers les laborieuses conversations avec le prof de français, qui, 1985 oblige, a une moustache, un pull horrible et peut fumer en salle des profs.
La densité prise par ses films au fil de sa carrière semble n’avoir pas de prise sur ce trip régressif : on cherche en vain l’émotion adolescente complexe de Jeune et Jolie, l’émotion du drame de Frantz ou les audaces un peu baroques de L’Amant Double. Sans doute parce qu’il se veut simple et dénué d’artifices, Eté 85 reste très mineur, rivé à des thématiques intéressantes (« Tu crois qu’on invente les gens qu’on aime ? ») qui restent à l’état de promesses non tenues. De ce point de vue, la maxime finale (« La seule chose qui compte, au bout du compte, c’est d’échapper à son histoire ») résonne comme un aveu d’échec, le réalisateur ayant misé sur l’écriture tout en perdant de vue l’essentiel de son sujet.