Ouh là là, François Ozon encore pris en flagrant délit d'intellectualisme à deux balles pour tenter de cacher un vide incommensurable causé par une médiocrité de traitement.


Scène d'introduction, ça y va fort, le protagoniste traité comme un véritable criminel, avec même un quatrième mur brisé où il dit que ça va être trop insupportable ce que l'on va apprendre. Il a fait quelque chose de terrible. Pour que des fonctionnaires représentant de l'autorité s'agitent autant et avec autant d'acharnement, il faut qu'il ait fait quelque chose de terrible, que dis-je d'horrible. Cela maintient en haleine jusqu'à la fin. Une agression d'une violence effroyable ? Un viol ? Peut-être même un meurtre ? On veut savoir, bordel. Et...


notre jeune homme est dans la merde parce qu'il a été surpris en train de danser sur la tombe de son défunt ami, ayant fait cette drôle de promesse à ce dernier. Euh, OK, c'est ça, l'acte d'une extrême gravité ? Encore, s'il avait profané la sépulture, déterré le cadavre, là, d'accord, mais juste danser sur une tombe pour tenir une promesse, sérieux ? Déjà, quand on sait cela, le degré dramatique de l'introduction apparaît, avec le recul, d'un grand ridicule et d'une grande prétention. De plus, dans une réalité un minimum crédible, que ce soit aujourd'hui ou en 1985, dans un pays profondément laxiste comme la France, vous croyez vraiment qu'ils se casseraient autant le cul pour ça ?


Ensuite, Ozon essaye de cacher le fait que ce soit juste un teen movie tragique, assez conventionnel dans son déroulement, par un vernis intellectualisme à deux balles, avec flashbacks et voix-off intégrés, en utilisant abusivement de l'ellipse, nous privant ainsi de scènes


(genre la tromperie finale avec l'Anglaise qui va amener une rupture fracassante qui va amener la mort !)


apparaissant pourtant essentielles pour la progression dramatique et l'approfondissement des personnages. Les deux jeunes hommes couchent en un claquement de doigt ensemble sans que rien dans l'atmosphère mette en relief une attirance en train de se faire auparavant. Autre conséquence, il y a des réactions irrationnelles qui ponctuent l'intrigue.


Mention spéciale à la mère du défunt qui met tout sur le dos du protagoniste parce que... euh... voilà... Je sais très bien que ceux qui perdent un être cher n'ont pas un comportement guidé par une logique infaillible (pour employer un très gros euphémisme !), mais là, désolé, c'est une incohérence trop lourde pour que ça passe.


Il y a aussi une scène de travestissement remarquable d'inutilité, juste une manière plus ou moins inconsciente, certainement, pour Ozon, d'essayer de faire croire qu'il est à la hauteur d'un Almodovar.


Et le personnage de prof français qui comprend tout, qui réagit tout le temps bien, parce qu'il sait toujours comment réagir dans toute situation complexe, ce personnage, d'une absence d'utilité complète, participe lui aussi à cette structure de vernis intello-machin-bidule-truc, pour donner l'illusion qu'évoluer dans un milieu "élevé" est le seul moyen de se sauver. Ben ouais, le père, modeste docker, et la mère, modeste mère au foyer ne faisant que le ménage et la bouffe, sont forcément trop cons pour comprendre, eux. Attention, je ne parle pas d'une représentation, pouvant être juste, de parents qui sont inévitablement un peu dépassés, je parle de parents qui participent au concours d'être le plus caricaturalement et le plus débilement à côté de la plaque à chaque fois.


C'est d'autant plus dommage tout ça, pour la raison que les deux jeunes comédiens sont très bons et que la mise en scène est soignée, bien dans le grain visuel du film de vacances des années 1980 (ce qui aurait pu donner un contraste intéressant entre une image qui est assimilée à la légèreté et un fond sombre !).


En foutant aux chiottes tout cet intellectualisme à deux balles, en mettant le tout dans un simple ordre chronologique, en y incluant les scènes manquantes, en donnant des réactions cohérentes aux personnages, en terminant sur le climax de la promesse tenue, certes, cela aurait été toujours un teen movie assez conventionnel, mais, au moins, il y aurait eu une véritable progression dramatique, il y aurait eu des personnages creusés et vrais, il y aurait eu de l'émotion. Là, on a juste de l'intellectualisme à deux balles.

Plume231
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de François Ozon et Les meilleurs films de 2020

Créée

le 22 févr. 2021

Critique lue 2.4K fois

45 j'aime

6 commentaires

Plume231

Écrit par

Critique lue 2.4K fois

45
6

D'autres avis sur Été 85

Été 85
Grimault_
4

Gaspiller le temps, en croyant l'arrêter.

Été 85 a tout de la promesse trahie. Certains espéraient découvrir un Call Me By Your Name à la française, d’autres un thriller maritime aux allures de Plein Soleil. Le nouveau film de François Ozon...

le 16 juil. 2020

86 j'aime

14

Été 85
AnneSchneider
8

« Mourir d’aimer »

On devrait le savoir, à présent : François Ozon aime les jeux de faux-semblants, de fausses pistes. Puisant dans sa découverte adolescente et émue du livre d’Aidan Chambers, « La Danse du coucou » («...

le 11 juil. 2020

66 j'aime

4

Été 85
Plume231
3

J'irai danser sur ta tombe !

Ouh là là, François Ozon encore pris en flagrant délit d'intellectualisme à deux balles pour tenter de cacher un vide incommensurable causé par une médiocrité de traitement. Scène d'introduction, ça...

le 22 févr. 2021

45 j'aime

6

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

309 j'aime

22

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 20 juil. 2023

217 j'aime

29

Le Comte de Monte-Cristo
Plume231
3

Le Comte n'est pas bon !

Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...

le 1 juil. 2024

196 j'aime

42