Le réalisateur :
François Ozon fait partie des grands réalisateurs français contemporains. Il est auteur de nombreux films, parmi lesquels Huit femmes, Dans la maison, Jeune et Jolie, Frantz, ou tout dernièrement Grâce à Dieu (Grand prix du jury à la dernière Berlinale).
Sa filmographie démontre une affection pour la transgression, la lumière et, combinant les deux, pour une certaine forme de voyeurisme.
Critique :
Forcément, Été 85 c’est avant tout une époque que l’on retrouve – ou découvre – à l’écran. Le scénario est tiré d’un roman d’Aidan Chambers, La Danse du coucou, que François Ozon a lu, justement, en 1985, quand il avait dix-sept ans. Ozon y a en sus ajouté ses propres souvenirs.
Cette manifestation d’un paradis perdu, idéalisé, est rendue possible par le tournage dans la ville de Tréport, qui, selon le réalisateur, est « restée dans son jus ». Elle n’a pas subi les modifications qu’ont vécues aujourd’hui les cités balnéaires. Elle l’est aussi grâce au style vestimentaire - heureusement globalement disparu - et aux coiffures toutes en volume de ses acteurs. Elle l’est encore grâce au travail sur la bande-son. « Dans les années 80, la musique était pourrie » accorde Ozon. Le passage en boîte de nuit ne peut que lui donner raison. Malgré tout, elle porte le film. Elle lui donne un air de légèreté que n’avaient pas les années 80, mais qu’elles avaient certainement dans la tête d’un jeune de 17 ans en l’été 1985. Cette époque transparaît enfin par le grain de l’image, résultat de l’emploi de la pellicule « super 16 » qui était celle des premiers courts-métrages du réalisateur. François Ozon semble rechercher avec nostalgie une jeunesse perdue.
De l’aveu même du réalisateur, Été 85 reprend les codes du teen movie. Il parle d’ados aux ados, concluant comme le livre sur une grande phrase, un peu simpliste, une sorte de conseil donné aux jeunes pour construire leur histoire hors de tout déterminisme.
En réalité, Été 85 est fait d’une matière composite, mélangeant les genres. De façon hitchcockienne, maître dont il réclame d’ailleurs l’héritage, on sait dès les premières secondes du film qu’un drame touchera l’un de ses personnages. Loin de gâcher le suspens, cette entrée en matière nous implique et fait monter la tension. L’inquiétude et la volonté d’en savoir plus ne nous quitte plus. Pourtant, le film bascule régulièrement dans la comédie et déclenche des rires dans la salle. Sans doute cette tension savamment maîtrisée n’y est-elle pas pour rien. Entre les rires et les larmes, une romance naît.
D’un point de vue plus formel, Été 85 se partage entre plusieurs voies. Ozon montre parfois tout. Il n’hésite à représenter physiquement la pensée des personnage (répartition d’un personnage, idées suicidaires) ou la nudité. Inversement, le film tend parfois vers une certaine abstraction, ne présentant à l’écran que des flammes ou un trou de serrure. Il hésite entre voyeurisme et pudeur.
Difficile de faire entrer le film dans une case.
Cette histoire d’amour et d’amitié est jouée par deux jeunes acteurs de grand talent, Felix Lefebvre (Alexis) et Benjamin Voisin (David). Découverts et sélectionnés très en amont du tournage, les deux comédiens se sont préparés au film en se liant l’un à l’autre pendant 4 à 5 mois. Felix Lefebvre explique ainsi ne pas avoir travaillé le film dans un cadre formel. « On ne se disait jamais ‘viens, on va bosser’, non, on allait manger, et puis on discutait ». François Ozon s’est appuyé sur cette nouvelle relation pour écrire son film. Il a toujours souhaité et revendiqué cette part de liberté dans l’interprétation de ces acteurs. Ce naturel a aussi un but : « J’ai filmé une romance entre garçons de façon très classique et sans ironie, pour rendre cette histoire d’amour universelle. » Autrement dit, il n’y a pas de recherche de propos politiques dans la mise en scène de ce couple homosexuel. Il n’y a que de l’amour, un amour jeune et naïf, tout simplement.
Le casting est complété par des seconds rôles réussis, en particulier ceux des deux actrices Valeria Bruni Tedeschi et Isabelle Nanty. On regrettera cependant la performance de Melvil Poupaud en professeur de Français bienveillant dans lequel on a du mal à croire.
Nous vous conseillons donc ce film, qui contient sans doute l’une des plus belles scènes de danse du cinéma français, scène respectant les mots prononcés avec une innocence feinte par David et qui résument l’état d’esprit avec lequel voir ce film :
« Tu te détends, tu résistes jamais au mouvement »