ÉTÉ 93 (14,1) (Carla Simon Pipó, ESP, 2017, 98min) :
Cette chronique épurée sur le deuil narre le destin de Frida, une jeune fille de 6ans devant aller vivre chez sa tante, son oncle et leur fille de 3 ans, suite au décès de ses parents. Pour son premier long métrage, la réalisatrice espagnole s'appuie sur sa propre histoire d'orpheline pour nous offrir avec justesse cette histoire émouvante. La cinéaste compose un long métrage sensible, à travers plusieurs saynètes de la vie quotidienne en se plaçant à hauteur d'enfant, et lors de plans séquences touchés par la grâce, laissant ainsi ses jeunes actrices s'abandonner en totale liberté sous sa caméra affectueuse. Une mise en scène, à travers les yeux de Frida, regardant la cruauté de la vie droit dans les yeux en réapprenant la vie auprès d'êtres bienveillants, et les partages aux côtés de sa nouvelle sœur. La narration pudique décline les activités ludiques et les "croyances" enfantines (ligne tracée à la craie), le déni et les longs silences révélant bien plus que les maux, sans que le récit ne devienne mélodramatique. Un exercice délicat sur le fil du rasoir, parfois un peu trop en retenue où à distance, pour que l'émotion puisse nous étreindre complètement. Par petites touches réalistes, Carla Simon Pipo sculpte avec tendresse et finesse la tristesse de l'enfance, à travers le portrait de cette gamine, en filmant le mode opératoire du deuil intérieur qui s'opère en elle, lors de cet été là. La cinéaste ose même avec subtilité nous dévoiler astucieusement, au détour d'une scène, la cause du décès des parents pour mieux nous impliquer à sang pour sang au cœur du drame funeste vécu aussi corporellement par la petite. L'artiste utilise avec pertinence les décors naturels pour refléter les différents états psychologiques de la jeune fille (fantôme niché dans les arbres) au sein de ce récit douloureux. La cinéaste en profite également pour évoquer l'Espagne d'après Franco par la biais des grands-parents de Frida. Des tranches de vie après la mort des parents dépeintes sans pathos, jusqu'à la brillante scène finale poignante où tout au long du film, l'étonnante Laia Artigas fait preuve d'une justesse de jeu peu commune pour une actrice de son âge. Venez accompagner cette première œuvre maîtrisée, en suivant l'itinéraire de cet enfant pas gâté et sa survie au cours de cet Été 93. Retenu. Lent. Sincère. Touchant.