Eternal Sunshine of the Spotless Mind par Maqroll
Déjanté, merveilleux, poétique, nostalgique, envoûtant, déroutant, aérien, souterrain, mystérieux, mystique, philosophique, étrange, original, classique, éternel... éternel comme l'amour, comme la vie, comme le souvenir, éternel comme la peur du noir, de la solitude et de l'enfance, éternel comme la peur de se réveiller un matin en ayant tout oublié, éternel comme ce besoin que l'être humain a, depuis qu'il existe, de se blottir auprès d'un autre dans lequel il croit se retrouver... Eternel comme la dégaine de Jim Carrey, échappant complètement à ses emplois habituels pour devenir le plus romantique des comédiens, éternel comme Kate Winslet, la plus belle, la plus radieuse, la plus à même d'incarner cette figure de la femme et de l'amour, la grande Kate au grand sourire, au petit pli fugace au coin des lèvres vite chassé par une grimace qui fait lever le soleil... même les clowns pleurent. Éternel comme l'œuvre d'art, dont le propre est de susciter. Mais dire tout ce que ce film suscite est au-delà des mots... Il faudrait pouvoir atteindre une zone inaccessible, impossible à effacer, celle où seuls deux amants peuvent se retrouver, deux amants qui fantasment - l'espace d'un moment ou l'espace d'une vie - que l'amour rend la vie éternelle... Un rêve ? Sans doute, mais que reste-t-il d'autre, que nous restera-t-il d'autre quand nous aurons tout oublié ? Que reste-t-il à un esprit immaculé (que l'effacement soit volontaire, accidentel ou pathologique) sinon cette éternelle petite lueur d'espérance, This Thing Called Love, pour reprendre le titre d'un standard célèbre ? Michel Gondry est l'un des cinéastes les plus doués et surtout l'un des plus créatifs et des plus sensibles de notre temps... Avec ce film et avec le sublime Be Kind Rewind, il est à jamais au panthéon du cinéma de tous les temps. Eternal Sunshine of the Spotless Mind, un film au contenu aussi fulgurant que son titre, à voir et surtout à revoir... pour garder l'illusion que nous ne sommes pas uniquement des pantins manipulés, pour garder l'illusion que l'amour peut ne pas mourir un jour et que la poésie peut l'emporter en toute fin...