Voilà un film que je n'avais pas vu depuis beaucoup d'années. Jamais en VO d'ailleurs, favorisant la re-découverte émotionnelle. Mon souvenir persistant était extrêmement positif. Le souvenir d'un film inventif, original, et profondément émouvant à propos de l'amour qui se trouve et se perd.
Mené par Michel Gondry et ses "tricks" de débrouille de mise en scène (imprimés dans mon cerveau comme souvenir associé), le film est avant tout la mise en images d'un scénario exemplaire. A la revoyure, la nouvelle gifle a eu lieu plutôt à ce niveau: l'histoire de Joel et Clementine nous est contée à travers une structure multipliant les allers/retours entre passé et présent, réalité et songe, immersion et prise de recul. Sous prétexte d'une histoire profondément SF d'effacement de souvenirs, le spectateur navigue dans l'émotion d'une mémoire à modifier. Une même scène peut nous apporter alors une multitude de points de vue sur le même souvenir : celui effectivement vécu à l'époque, celui qui a conscience de revivre le moment, et celui qui peut en faire autre chose... Ou comment les personnages peuvent être à la fois acteurs, spectateurs et perturbateurs d'un flashback. C'est de la haute voltige qui pourrait nous perdre, mais c'est là tout le talent de Gondry et de ses acteurs: tout est limpide.
Le scénario est brillant aussi par sa capacité à imbriquer de manière chirurgicale les enjeux dramatiques des personnages principaux avec ceux des chefs d'orchestre de l'effacement de mémoire. Les personnages de Kirsten Dunst, Mark Ruffalo, Tom Wilkinson et Elijah Wood sont à ce titre les grands oubliés de notre mémoire d'Eternal Sunshine alors que leur importance est capitale dans la construction du récit et l'histoire de Joel et Clementine.
L'histoire de Joel et Clementine... Jim Carrey et Kate Winslet trouvent ici leurs meilleurs rôles. Acteurs, spectateurs, perturbateurs des souvenirs que nous parcourons, leurs personnages portent la substantifique moelle de sans doute le coeur du message du film (et de son titre): le délitement d'un amour est fondamentalement lié aux incompréhensions mutuelles alors que son renouveau trouve sa source dans ce qui constitue la beauté des premières fois. Et s'il nous restait l'amour même si nous étions dépourvus de souvenirs liés à celui-ci ? Oui, mais alors qui sommes nous si nous n'avons plus les souvenirs de cet amour ?
Si le film touche à ce point, c'est parce que Jim Carrey et Kate Winslet incarnent dans toute sa profondeur ce pari fou que font toutes personnes s'aventurant dans la vie amoureuse. Ce pari que, quoi qu'il arrive, ça en vaille toujours et sans détours l'éventuelle peine.