Affronter la réalité ou le rêve. Vivre le moment présent ou se réfugier dans ses souvenirs. Tout la vie humaine peut être résumée en cette polarité troublante. C'est ce qui nous distingue du reste des vivants, condamnés à la lumière crue de l'instant, vite assombri, vite oublié. Nous sommes riches d'une interminable fiction que nous croyons être notre vie. Que serions-nous sans cela ?
Je chéris ma mémoire, comme la plupart des Hommes, je suppose. J'ai peur de la perdre. De la voir s'étioler avec l'âge. La mémoire est mon obsession, avec son corollaire, le temps. « Eternal sunshine... » sous son titre pompeux en choisit une approche enivrante. Immersive. Jamais je ne me serai aussi profondément engagé dans la tête d'un personnage de cinéma. Celle de Jim Carrey en plus, acteur que je ne porte pas spécialement dans mon coeur, dans ses comédies, mais qui m'a époustouflé par sa sobriété et son authenticité. C'est la voie choisie par tout le film. Peu d'effets spéciaux mais des idées de mise en scène à la pelle, pour nous faire croire que. Une inventivité et un régal visuel constant au service de son histoire. L'esthétique est celle du quotidien, fêlée juste ce qu'il faut pour laisser passer d'oniriques lumières. La relation du couple est crédible, d'une façon rarement vue à Hollywood, mais peut-être la nationalité du réalisateur n'y est pas étrangère. La fraicheur de Kate fait du bien aussi.
Ce que je retiens par-dessus tout de ce long oubli, c'est une mélancolie jamais pleurnicharde, toujours habitée de cette étincelle qui fait la différence entre un produit et une oeuvre. Des souvenirs fictifs qui rentrent forcément en résonance avec les nôtres, si un jour j'ai aimé.
Des milliers de films ont parlé de l'amour, mais aucun ne l'avaient aussi bien fait qu' « Eternal Sunshine... ». On ne vous fait pas croire ici que tout ira bien. Certaines choses seront irrémédiablement perdues, d'autres subsisteront.
Je suis ému et maladroit, comme quand je suis amoureux. Je ne sais pas quoi dire de plus.