" Venise est peut-être une ville romantique, et pourtant on ne nous a jamais montré la vraie nature de son charme : il est voilé et non pas étalé, diabolique et non pas bénin. Il faut s’y noyer comme Tyvian se perd dans les méandres de sa passion dévoratrice pour une ville qui s’appelle Eva. Elle l’enivre, tout en restant distante telle la caméra de Joseph Losey qui nous engloutit dans un univers baroque où les ombres noires flânent derrière les arabesques sous les percussions endiablées. Nous sommes dans le domaine du perceptible, abandonnés aux sensations, traces irrationnelles, les seules capables de fournir les fils d’une liaison qui ne connaît pas la raison. Dans un premier temps, nous croyons enchaîner les étapes alors qu’il n’y en a pas. Aucun lien n’est construit ; comme Eva le répète à Tyvian : « Don’t fall in love with me » (trad. « Ne tombe pas amoureux de moi »). Tout est à recommencer et chaque rencontre n’est en fait qu’un leurre, un pas de plus vers la ruine. C’est un jeu démoniaque de séduction où la Merteuil exécute les règles et où Valmont n’arrive pas à les comprendre. Dans un monde d’hommes où être femme est un dur métier, Eva travaille le cynisme auquel son rival n’est pas à la hauteur. "
Oscar Duboy
La photographie de Gianni Di Venanzo (l'un des plus grands chefs-opérateurs italiens, celui de La Notte et de L'Éclipse entre autres) est absolument superbe : Venise, lumineuse mais en même temps sensuelle à force de douceur dans la gamme des gris.
"Je préférais opposer l'horreur de leur liaison à la beauté de Venise " dira Losey préférant cette ville a Rome et sa Dolce Vita