L’ambition du vénéneux ne suffit pas à faire du vénéneux. Encore faut-il s’en donner les moyens, scénaristiques, esthétiques bref cinématographiques. S’installant dans une espèce de filiation avec l’excellent Elle de Paul Verhoeven, Eva n’en retient que le traitement visuel, à savoir de beaux plans espacés les uns des autres par un traitement réaliste de l’image. Au-delà, rien de bien transcendant. Si le couple formé par Isabelle Huppert et Gaspard Ulliel fonctionne, il peine à convaincre sur le long terme, d’autant que les conditions de leur rencontre s’avèrent des plus grotesques. Le ton du film ne cesse de louvoyer entre comique de situation et thriller psychologique pervers sans jamais – et on le regrettera – viser juste. Car ce qui faisait la force du film Elle souffre ici d’une superficialité d’ensemble qui plombe quasi systématiquement le métrage. Métrage peuplé d'emprunts scénaristiques - on pense à Un Homme idéal - et visuels, qu'il s'agisse du travail d'Olivier Assayas ou celui de Damien Chazelle (goût pour les brusques allers-retours avec la caméra). Les retournements de situation sont invraisemblables, la profondeur psychologique des personnages est bâclée, les seconds rôles évacués, simples figures-prétextes à la soi-disant maturation vénéneuse d’une relation à laquelle on ne croit guère. Pervers, le film ne l’est que trop peu. Mystérieux, pas davantage. La seule entreprise réussie visant à créer un climat trouble réside dans la composition musicale de Bruno Coulais qui épouse parfaitement la part sombre et électrique des protagonistes. Ce qui aurait pu donner un grand film reste à l’état d’ébauche, effet recherché par un souci nombriliste d’autosatisfaction. Et la publicité EuropaCorp à la fin du film n'a d'intérêt que pour le rapprochement qualitatif d*'Eva* avec le produit projeté en salle (Malavita). Peu flatteur! Les effets de mise en scène alourdissent considérablement la fluidité d’un long-métrage (trop long métrage) peu attrayant et hautement dispensable.