Un ange trépasse.

"Enfin terminé!" suivit d'un long soupir de soulagement. C'est très probablement la réaction qu'a eu Hideaki Anno à la sortie de l'opus mettant un terme à la saga Evangelion, tant ce dernier film semble avoir été accouché dans la douleur (la présence de plusieurs grossesses en toile de fond du film n'est probablement pas fortuit).

Je ne vais pas mentir, c’était également la mienne quand le générique de fin est apparu sur mon écran.

Il y a beaucoup de chose à dire sur Rebuild of evangelion, mais je vais me contenter de vanter la qualité des deux premiers opus, qui reprenaient intelligemment ce qui faisait la force de la première série, c'est à dire son univers de science fiction, ses designs fabuleux, ses affrontements dantesques, mais également la trajectoire narrative de ces héros post-modernes, véritable incarnation d'un questionnement sur une société japonaise bouleversée par ses évolutions brutales, en se targuant d’éliminer nombre de scories.
Un rythme bien mieux calibré, un scénario expurgé de sa lourdeur initiale, et une production nettement améliorée aussi bien visuellement qu'en terme de montage.

Hélas mes bons amis, après ces deux premiers opus reste la tache de donner une fin à la saga,et le troisième film ne se contente pas de retomber dans les travers de la série originale, il touche le fond, sort une pelle et se met à creuser, laissant le 4eme devant un énorme problème: comment faire quelque chose qui a de sens avec un si mauvais passif scénaristique. 9 ans se sont passés depuis la sortie du 3eme film, Anno rechigne à terminer la saga, il n'est plus en phase avec le projet et ca se sent tout au long du visionnage.

Mais commençons par ce qui crève l’écran, le problème de la technique du film.
Le film est très très en deçà de ce que nous proposait les deux premier opus et souffre visiblement d'un manque de temps et d'argent. La réutilisation d'images des précédents est omniprésente, et bon nombre des images inédites sont techniquement très faibles, particulièrement durant la deuxième partie, qui va jusqu’à utiliser des rush non finis. Le combat entre les eva 02 et 13 est ahurissant de pauvreté, il faut le voir pour le croire. Quand à la mise en scène, si elle est plutôt à l'aise dans les scènes d'exposition et de dialogue, les combats souffrent d'un manque de chorégraphie qu'une caméra en roue libre et sous cocaïne essaie de camoufler.
Enfin la direction artistique est quelque chose de plus personnel, mais difficile de ne pas voir une volonté de gagner du temps ou de faire des économies dans le dernier tiers, ou les décors disparaissent quasiment pour des aplats de couleurs et des formes géométriques très faciles a produire en 3d.

Je vais probablement me mettre à dos bon nombres de fans, mais le scénario mystico-philosophique d'evangelion à toujours été le boulet de cette série. Beaucoup de forme (foutraque), peu de substance.
Hors Anno à lui beaucoup progressé en tant que réalisateur et scénariste, son fabuleux shin godzilla de 2016 le prouve, le mal-être puissant au contours flous de sa jeunesse laisse place à une réflexion politique ciselé par sa mise en scène.
Il va bien tenter mollement d'influer sur le message final de la saga, comme le montrent les passages au village 3 et les dernières minutes de fin, qui offrent un regard doux amer sur la vie et la nécessité de grandir, mais il échoue à développer une vision cohérente, coincé entre un propos existentiel simpliste mais qui parvient à de rare moments à nous toucher émotionnellement et le poids visiblement écrasant de l'aura mystique entourant l’œuvre original, encore très appréciée de nos jours.

C'est donc un bien piètre produit qui nous est présenté et seuls de rare moments de mise en scène arrivent à combiner propos et émotion pour s'extirper de la médiocrité de l'ensemble. Je pense notamment aux dernières minutes de fin qui combinent diverses étapes de production (dessins préparatoires, storyboard, doublage...) ainsi que de la prise de vue réelle, le tout étant porteur de sens tout en se permettant une mise en abime avec le processus créatif d'une œuvre. Ça n'en fait pas un bon film, mais ça a au moins contribué à dissiper l’énervement accumulé au long du visionnage.