All about Eve (1950) n’est pas vraiment à propos d’Ève. Ève est une catharsis. Elle est le passé, le présent et le futur. Elle représente toutes les personnes qui rêvent de pouvoir et de gloire. Elle utilise la manipulation et le mensonge. Elle met en exergue les traumas et les angoisses de ces victimes. En faisant cela, sans le savoir, elle s’enferme dans un cercle vicieux : bourreau, elle deviendra un jour victime.


Dans All about Eve, Ève arrive à New York dans le but de devenir actrice. Pour cela, elle se rapproche de Margot Channing. En pleine gloire, Margot est adulée et adorée. Quand elle prend Ève sous son aile, elle n’a pas conscience qu’elle amorce son déclin. Au début du film, Ève reçoit la consécration de son talent : le prix Sarah-Siddons. Le scénario du cinéaste américain Joseph L. Mankiewicz nous raconte habilement, grâce à des flashs-back, son ascension. De fille à l’apparence innocente et prude à la femme manipulatrice et mesquine, Ève est prête à tout pour atteindre son but. En choisissant Miss Channing comme point de départ, Ève sait qu’elle s’attaque à une icône aux pieds d’argile. À 40 ans, Margot interprète toujours des rôles de jeunes premières qui ne lui correspondent plus. En tant que femme, elle a dû abandonner beaucoup de choses et qu’alors que la fin de sa carrière est proche, Margot a peur de la solitude. L’angoisse de la vieillesse, la crainte de l’âge est un dilemme auquel doivent faire face toutes les femmes. Et plus encore les actrices dont le corps est leur instrument de travail. Tel un jeu de miroir, le réalisateur propose à Bette Davis d’incarner Margot Channing. Actrice qui a connu son heure de gloire dans les années 1930 et 1940, elle a interprété des personnages dominants et explosifs. Elle offre ici l’une de ses plus belles performances en femme au bord de la crise de nerfs. Forte et possessive, alternant entre fragilité et puissance, elle crève l’écran. En arriviste manipulatrice, Anne Baxter (La Splendeur des Amberson, Orson Welles, 1942) livre sa beauté froide et douce au rôle d’Ève. À leurs côtés, la femme de l’écrivain, Karen (Celeste Holm), hors du système, n’arrive pas à comprendre les enjeux entre Margot et Ève. Son personnage d’ange bienfaitrice vient détonner dans ce milieu sans scrupule. Les nombreuses voix off apportent au récit une multitude de points de vue. Les différents protagonistes (en plus des actrices, le metteur en scène, l’écrivain, le producteur), clés de voûte de ces institutions, permettent d’exposer la manipulation et la soif de pouvoir, mais également de dépeindre le monde sans pitié du showbiz, qu’il soit théâtral ou cinématographique. C’est surtout le critique Addison DeWitt qui apporte son éclairage au spectateur sur la duperie d’Ève. Il met en lumière cet univers et nous l’énonce sans fard.


Avec intelligence et habileté, All about Eve est un magnifique et cruel portrait de femmes.

Pierrotlfou
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le 21 août 2020

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