Véritable manifeste contre la société de consommation, Fight Club de David Fincher est un film culte. Nous y suivons un homme qui vit grâce aux objets qu’il possède jusqu’à ce qu’il rencontre Tyler Durden. Cet homme sans nom, le narrateur, incarné par Edward Norton fait face à un double parfait, véritable doppelgangers viril et charismatique interprété par Brad Pitt. Il est tout ce qu’il voudrait être : musclé, intelligent et surtout il rejette ce consumériste dans lequel le narrateur se vautre avec une culpabilité autodestructrice. Incapable de dormir, il ne ressent plus rien et les nombreux regards caméra sont autant d’appels à l’aide que des constats complices avec le spectateur : sa vie est minable, mais il ne peut pas faire autrement, tout comme nous. Et c’est là qu’entre en scène Tyler Durden. Tyler critique la vie et en jouit avec panache. Il est libéré des contraintes de la société et crée ses propres règles. Cette crise existentielle que le protagoniste traverse peut être appelée, aujourd’hui, une crise de la masculinité. Toujours présente dans nos sociétés occidentales, cette masculinité en danger souffre de plusieurs manières. Avant tout, c’est la femme qui vole à l’homme ses prérogatives. Dans Fight Club, Marla (Helena Bonham Carter) est considérée comme une tumeur, car elle l’empêche de jouir pleinement de la vie. Les réunions anonymes, auxquelles ils assistent, permettaient au narrateur de se laisser aller et ainsi de dormir. Mais cela va plus loin, le narrateur est émasculé par ce qui l’entoure. Ce n’est pas un hasard s’il débute son récit collé contre les seins de Bob dans un groupe de victimes de cancer des testicules. Cet organe est la preuve de la virilité d’un homme — testicule venant de testis qui signifie témoin. Métaphoriquement castré par la société et par l’absence du père, modèle viril, qui l’empêchent d’être ce qu’il devrait être, il invente un homme parfait : Tyler. C’est lui qui l’initie à la violence et à la souffrance. En souffrant, en faisant exploser les bâtiments — orgasme dominateur et destructeur — et en restant entre hommes, le Fight Club veut rendre à l’homme blanc les pouvoirs qu’il a perdus. Pourtant, tout comme sa dénonciation de la société de consommation, le récit est ambigu dans ce qu’il dit de la masculinité. Tandis que le narrateur tente de reprendre possession de son esprit et de son corps, il est montré dans des postures plus fragiles qu’au début du film : même s’il réussit à se sortir in extremis d’une castration par trois policiers, il se retrouve en caleçon pour affronter son double. Il a perdu le pantalon qui fait de lui une figure dominante. Il arrive malgré tout à échapper à la virilité nocive de Tyler — qui veut se débarrasser de Marla — par la violence et en utilisant un pistolet, arme phallique par excellence. Les deux hommes ne font alors plus qu’un : il faut tuer le père pour prendre sa place et ainsi créer un monde nouveau.