Cette critique fait partie de la liste "Un film, des scénarios".
https://www.senscritique.com/liste/Un_film_des_scenarios/1510143
Comme indiqué dans ma critique sur The Black Hole (1979), il semblerait que le scénariste d'Event Horizon ait vu la tentative ratée de Disney, traitant de la traversée d'un trou noir.
Qu'est-ce qu'un trou noir?
C'est une masse astrophysique si compacte qu'elle déformerait l’espace-temps environnant à un point tel que, en deçà d'une certaine limite nommée l'horizon des événements (Event Horizon, donc), rien ne pourrait échapper à son attraction gravitationnelle, pas même la lumière.
Les forces de marées produites par le trou noir seraient capables de déformer tout corps physiques (planètes, astres, amas d'étoiles, galaxies...) jusqu’à désintégration complète.
Bref, après ce cours très succinct d'astrophysique - basé sur des études pourtant réelles - revenons-en au film.
Le Dr Weir (Sam Neill, très convaincant) est le concepteur-créateur du vaisseau Event Horizon, capable de se déplacer plus vite que la vitesse de la lumière, en créant un trou noir artificiel.
Le vaisseau put ainsi courber l'espace-temps et se retrouva...dans une autre dimension.
Puis il réapparut 7 ans plus tard...
Une équipe de sauvetage ( menée par Lawrence Fishburne) rejoint l'Event Horizon et découvre par la suite que l'équipage a disparu...mais qu'il a ramené autre chose à la place.
Réalisé par le moyen Paul W.Anderson (la saga en dents de scie des Resident Evil), ce film est pourtant son meilleur (et de loin!).
Sorte de cathédrale hantée spatiale (de par sa forme en croix et son design inspiré des construction de la période Gothique), l'Event Horizon se nourrit des peurs de ses infortunés visiteurs, ici chaque membre du Lewis&Clark (hommage aux réels explorateurs terrestres du XIXe siècle) pour tenter de les absorber par la suite.
Parsemé de visions dantesque rappelant l'imagerie de Dante ou Bruegel (ce qui nous amène dans les cauchemars d'Hellraiser), le film nous emmène dans un ride horrifique plutôt efficace.
Nous y trouvons donc un Sam Neill hanté par son rôle (et par l'Event Horizon), sorte de Cerbère venu présenter un avant-goût de l'Enfer...
Malheureusement, pour éviter un classement NC17 (classification US interdisant le film pour les mineurs), les visions infernales sont montées de façon presque subliminale, interdisant de se régaler devant les maquillages et mise en situations horriblement réussies...
A savoir qu'à l'origine, le métrage devait être illustré par un score mariant l'orchestral et la techno-trance (Michael Kamen et le groupe Orbital).
De ce mariage original, ne reste que le thème principal et le générique de fin (l'excellent Funky Shit de Prodigy).
Pour en finir avec ça, Event Horizon reste une agréable tentative de remettre le film de hantise au goût du jour.
Le mot de la fin?
"Liberate Tuteme"...
Première version du scénario de Philip Eisner.
(12 Avril 1992)
Ci-dessous, j'ai noté les scènes ou éliminées ou modifiées, par rapport au script final.
Après la première visite de l'Event Horizon - qui se termine par le corps scarifié aux orbites vides de Weir, tournant sur lui-même en apesanteur - nous retrouvons le dit Weir dans sa cabine.
Il se réveille en hurlant, se calme puis observe les photos sur le mur: l'on y voit sa femme avant et après sa maladie mais s'y trouve aussi, un plan détaillé de l'Event Horizon.
Le videophone sonne.
Le visage du technicien Gibbs lui indique que l'Amiral Hollis souhaite le voir à l'instant.
La scène suivante nous emmène dans le bureau de l'Amiral Hollis.
Celui-ci lui apprends qu'un message incompréhensible provenant de l'orbite de Neptune, a été intercepté.
L'Amiral pense qu'il pourrait s'agir de mineurs spatiaux.
Weir lui rétorque que les dits mineurs ne peuvent atteindre cette distance. Il est certain que c'est l'Event Horizon.
Weir veut aller l'inspecter, arguant qu'il est le seul à connaitre le fonctionnement du vaisseau, puisqu'il en est le concepteur.
Une fois Weir sortit du bureau, Hollis admet à son adjudant que c'est la seule solution logique
De plus Weir n'a pas de famille, juste au cas où ça tournerait mal...
(Note: la scène où Weir se rase et regarde son reflet dans le miroir, où il tient le rasoir sur sa gorge, ainsi que le plan à 360° en zoom arrière de la station spatiale n'y sont pas mentionnés.)
Ensuite, nous est présenté l'équipage du Lewis & Clarke, sauf qu'ici ils vont intervenir sur un vaisseau appelé le Lucky Strike (dixit le script).
Ils y découvriront 3 cadavres flottant dans la carlingue non pressurisée et un survivant dans un compartiment qui est lui, pressurisé.
Miller entre en contact avec le survivant et lui demande son nom:
"-Jake", réponds celui-ci.
-Jake, nous allons devoir faire sauter le sas du compartiment, car nous ne pouvons pas rétablir la pressurisation."
Jake est effrayé.
"- Oh, ce n'est pas tout. Vous allez devoir vider l'air de vos poumons, car nous allons vous extraire de ce vaisseau dans le vide spatial. Si vous gardez de l'air, vos poumons exploseront."
Miller se garde bien de lui dire, que le réacteur endommagé du Lucky Strike est sur le point d'entrer en fusion...
Une fois la porte explosée, Miller s'empare du corps de Jack et se précipite dans le sas du Lewis & Clarke.
Tandis que D.J (le médic) s'occupe de Jack, Starck déconnecte le cordon ombilical liant le vaisseau de sauvetage au Lucky Strike et s'éloigne à grande vitesse du vaisseau endommagé.
Celui-ci explose en une boule lumineuse, quelques secondes plus tard.
Le Lewis & Clarke est violemment secoué par l'onde de l'explosion nucléaire et quelques avaries techniques se font jour, à bord.
Puis le vaisseau de sauvetage se retrouve enfin dans l'orbite lunaire et amorce sa descente.
Une fois Jack remis aux médecins de la station lunaire, Miller rejoint l'Amiral Hollis.
Celui-ci lui demande dans quel état se trouve le Lewis.
Miller lui répond:
"- Le déflecteur tribord a besoin d'être remplacé et on a perdu quelques tuiles de notre bouclier anti-chaleur. Les réparations prendront une quarantaine d'heures.
- Moins que ça, j'en ai bien peur. Je vous renvoie là-haut..."
Miller proteste mais Hollis lui indique que seul le Lewis est capable de rejoindre Neptune.
L'Amiral ajoute qu'un spécialiste va les rejoindre dans cette mission de sauvetage.
(Note: Maintenant, nous rejoignons la séquence du film, où Weir est présenté à l'équipage du Lewis, puis caisson d'hypersommeil, cauchemar de Weir puis explication de la mission.)
Juste après le but de la mission, Weir continue ici et projette le plan de l'Event Horizon, puis en fait un descriptif technique détaillé.
(Note: pas d'écoute de l'enregistrement envoyé par l'Event Horizon, comme dans le film).
Après le briefing, tout le monde se couche.
Miller a son premier cauchemar, impliquant une personne abandonnée dans les flammes.
Le Capitaine se réveille, puis rejoint son équipage.
Après avoir été absorbé par la matière noire issue du réacteur sphérique, la caméra de Justin montre brièvement des corps nus et suppliciés, puis s'éteint.
Juste après l'onde de choc dû au réacteur, la combinaison de Miller est percée.
A cause d'une lente décompression de son système interne, le Capitaine crache du sang...et son bras prend feu!
Bien qu'il sache que ce soit impossible dans le vide, Miller est paniqué lorsque une voix plaintive se fait entendre:
"- Ne me laissez pas..."
Il se retourne mais ne voit personne...
Dans le même temps, Peters - dans le centre de communication - voit un corps flotter à côté d'elle.
Mais ce n'est pas le cadavre croisé auparavant (comme dans le film), mais son fils Denny, dont le corps congelé et fissuré lui parle:
"- Maman...Tu me manques. Reviens à la maison...Reviens à la maison!"
Peters attrape le bras de l'enfant...et c'est le corps précédemment vu qui chute et explose sur le sol.
Quant à Miller, il secoue son bras enflammé...mais en fait, il n'en est rien.
Sa combinaison est intacte, aussi.
(Note: Retour aux avaries du Lewis et à la décision de tous se retrouver dans l'Event Horizon, comme dans le film.)
La petite histoire de Miller et Corrick (le mec qu'il a abandonné aux flammes) est illustrée visuellement par des images, au lieu du simple rapport oral.
Justin tente de faire exploser le réacteur avec une bombe, mais Weir l'en empêche, se prend une balle dans l'épaule et tente d'étrangler Justin, sous la colère.
Le jeune homme est transporté à l'infirmerie. Weir se penche vers lui...et voit le corps décharné de sa femme, au stade terminal du cancer.
Il cligne des yeux...et c'est toujours Justin qui y est allongé.
Le contenu intégral du journal vidéo de l'Event Horizon:
L'on y voit un homme s'enfoncer le bras dans la gorge, puis jusque dans son ventre. Il retire son bras et l'on voit qu'il s'est arraché l'estomac.
Un couple nu fait l'amour brutalement et la femme arrache les tissus du cou de son partenaire, jusqu'à faire apparaitre les muscles. La tête de celui-ci pivote et la femme mord à pleine dents dans le cou, pendant que l'homme la pénètre sauvagement.
Puis vient l'image du Capitaine Kilpack, son visage énuclé en extase qui tend ses mains vers la caméra.
Ses globes oculaires s'y trouvent.
Weir a des visions:
Il voit sa femme Claire, puis il voit l'équipage assis autour d'une table.
Leurs orbites sont vides et Justin vient les rejoindre.
Il est énuclé, lui aussi
Il sourit.
Weir est horrifié.
Ensuite, il voit un soleil rouge inconnu, dans un endroit inconnu.
La mer noire est huileuse.
Des créatures gigantesques et indescriptibles semblent forniquer...
Plus tard, c'est Starck qui tombe sur le cadavre disséqué de D.J (et non pas Miller, comme dans le film).
Ses yeux sont posés dans sa bouche, exagérément ouverte.
Miller a une vision, tandis qu'il court vers la chambre du réacteur:
Le Capitaine Kilpack flotte au dessus du sol, ses entrailles étant mâchouillées par une créature indescriptible.
Weir poursuit Starck et Cooper, puis lorsqu'il sent que Miller est sur le point de faire exploser le vaisseau, il disparait...
...pour réapparaitre sous la forme de Denny (le gamin de Peters), puis Claire, Corrick et enfin une créature sombre et luisante...
La critique:
On voit donc que le premier script de Eisner a été conservé dans sa globalité.
La scène entre Hollis et Weir a bien été tournée, mais non finalisée.
Il est dommage que le premier sauvetage sur le Lucky Strike est été abandonné, ça donnait un certain background à l'équipage du Lewis et Clarke.
Les multiples hallucinations des persos auraient dû être gardées, plongeant un peu plus le film dans une ambiance atroce.
Mais là où le rewriting a été salutaire, c'est l'élimination des créatures Lovecraftiennes qui - à mon humble avis - aurait enlevé une part de mystère de cet Event Horizon.
Car quoi de plus effrayants que votre imagination?
Le mot de la fin?
"Liberate Te Ex Inferis..."