Réunion familiale solaire pour le mariage de la sœur de Laura qui a quitté les vignobles espagnols et vit depuis plusieurs années en Argentine, avec son époux et ses deux enfants : Irène et Rocio. Lui n'est pas venu, étrangement. La voilà à nouveau enveloppée par l'affection des siens, la famille et les amis.
La chaleur étincelante des paysages, les couleurs mordorées du village où les maisons se serrent autour de l'église font pendant à la pénombre douce et animée de la maison familiale donnant sur la place. Rires et chants, bruits du quotidien joyeusement bouleversé par les derniers préparatifs...
Retrouvailles et souvenirs resurgissent alors que l'adolescente Irène lit les inscriptions gravées par les amoureux du coin sur le mur du clocher, là-haut, à côté du mécanisme de l'horloge. Elle en apprend un peu plus sur l'adolescence de sa mère, de son grand amour bizarrement interrompu.
La nuit vient, la noce s'étourdit, la musique entraîne les corps, le vin coule à flot.
Pourtant l'orage gronde en arrière-plan, il était prévu, de toute façon. Une pluie diluvienne s'invite, ainsi qu'une brusque coupure de courant.
Ce n'est pas seulement la noce, le village et les environs qui plongent dans une obscurité brutalement inquiétante...
Les cris et les larmes succèdent aux rires, un poison visqueux, longtemps tapi dans les vignes nimbées de poussière suinte et commence sa lente ramification vers la surface, s'infiltrant vicieusement dans les âmes.
Le soleil se voile, des animosités se dévoilent.
Pas de musique de fond, seulement celle de la noce, enchanteresse, au début. Tout est rythmé par les voix, les bruits de la maison, le vent, le bruissement des feuilles, les heures qui s'égrènent depuis le clocher, les grondements des voitures sur les routes et les chemins sinueux...
Le réalisateur Asghar Farhadi réussi à nous intégrer dans la vie ombreuse de ce coin de campagne. Nous suivons pas à pas les protagonistes de cette histoire qui pourrait être belle et qui vire au cauchemar poisseux.
Jamais, alors que le tempo est plutôt lent, nous ne nous ennuyons, car il réussi aussi, et c'est là son tour de force, à nous faire réfléchir sur ce qui s'est passé : A qui peut bien profiter ce crime ?
Penélope Cruz, mère absolue, Javier Bardem, vigneron dévasté, Ricardo Darin, époux effondré et honteux, les parents incarnés par Elvira Minguez et Ramon Barea, le frère ambigu Eduard Fernandez, sont habités par leurs personnages, terriens, taiseux et pourtant violents.
C'est une vision oppressante des liens qui unissent et désunissent des êtres qui s'aiment cependant. Une histoire sans fioritures, sans envolées lyriques qui nous laisse interrogatifs sur la vision que nous avons de ceux qui nous entourent.
Film malgré tout enivrant par la force viscérale de vie et d'amour qu'il nous délivre, malgré les non-dits, malgré les regards qui en disent long.
Un très bon choix pour l'ouverture de ce festival de Cannes...