L'intérieur d'un clocher, baigné de lumière. Un mécanisme et le clic clac de son fonctionnement. La référence à Sueurs Froides excite, tout comme elle en constituera une limite qui viendra légèrement amoindrir le plaisir, après coup, nimbé d'un goût de trop peu.
Le petit village espagnol est ensoleillé et riant. Il se prépare au mariage. Les retrouvailles et les embrassades, classiques, ne laissent à aucun moment entendre qu'un drame va se jouer. Jusqu'à se demander où veut en venir Asghar Farhadi au vu de sa séquence inaugurale.
Jusqu'à la disparition, avec laquelle Everybody Knows semble prendre un virage aux accents de whodunit familial anglais. Et l'on se prend à anticiper le déroulement d'un thriller délocalisé, où les coupables changent de tête à chaque minute du récit. Tendu, haletant, suffoquant.
Mais n'attendez pas cela de Everybody Knows, car vous seriez à coup sûr déçu. Il y en a un peu, bien entendu, mais cela ne semble pas intéresser outre mesure le scénariste ou le réalisateur de l'entreprise, qui préfèrent se concentrer sur les relations entre leurs personnages, dont l'attraction principale, dos à dos pendant une bonne partie du film, joue l'amour entre les confidences et les murmures.
Ce qui intéresse vraiment Farhadi, ce sont ces secrets qui, à l'évidence, n'en sont pas vraiment, qui irriguent une famille qui se déchirera sous leur poids, ainsi que celui des non-dits et des rancunes. La rumeur, aussi, dont frémit une campagne qui regarde par la fenêtre ses voisins, cachée derrière les rideaux. Et enfin, il y a la matière principale : la dissection du couple, dont le réalisateur ausculte les fondations. A l'épreuve de la vérité des sentiments, des accords et des regrets, Everybody Knows tisse le portrait d'une famille comme tant d'autres, finalement, terriblement banale dans ce qu'elle cache derrière les portes de ses placards.
Si la peinture des relations humaines est réussie, faisant du film une oeuvre agréable et consistante, dommage cependant qu'elle ne soit pas plus nourrie du suspens liée à la disparition, aux pourquoi et aux comment du forfait, alors même que pouvait être exploitée une jolie matière qui aurait permis à Everybody Knows de se rêver en solide enquête irriguée d'autant de coupables que de caractères.
Il faudra donc se contenter de l'aspect étude morale et drame psychologique qui semble cher au cinéaste, certains n'hésitant pas à affirmer qu'il tournerait déjà en rond autour d'une mécanique bien huilée. Mais pour ceux qui découvrent Asghar Farhadi avec son dernier opus, ils pourront se laisser entraîner dans une oeuvre parfois nonchalante, mais tout aussi propre, maîtrisée et intéressante dans la définition de ses personnages parfois prisonniers de leur passé.
Et pour la deuxième fois en 2018, le couple Cruz / Bardem s'illustre.
Si cela, ce n'est pas un argument...
Behind_the_Mask, vigne vierge.