En attendant le nouvel Almodovar, je décide de traverser la Méditerranée pour me retrouver au Maroc avec Everybody loves Touda, de Nabil Ayouch.
Je n'ai pas regretté mon voyage.
On y découvre une jeune femme qui vit parmi sa famille, avec son jeune fils sourd et muet dans un coin perdu de la montagne, entourée de chèvres et de ravins.
Mais elle a un don rare. Depuis toute jeune, elle porte en elle l'aïta, un chant traditionnel pur, puissant, chanté par des artistes insoumises, les cheikhates. Mais dans les fêtes du village, les hommes remarquent plus ses formes que son talent. Ils savent d'ailleurs le manifester, parfois avec violence comme dans la difficile scène d'ouverture. Pour elle le choix devient simple : se soumettre ou partir en ville pour tenter sa chance .
Elle confie, à regrets, son enfant à ses parents en espérant pouvoir un jour lui offrir une vraie éducation qui lui aura tant manqué .
Pendant le trajet en bus, on peut admirer de magnifiques paysages, descendant de la montagne enneigée pour arriver à la capitale Casablanca. Là, le choc est violent, le trafic incessant, les taxis qui ne s'arrêtent pas pour prendre une femme seule, les hommes qui l'interpellent grossièrement dans la rue... Mais la Belle rebelle tient bon et, après avoir déposé ses affaires dans un hôtel miteux, elle pousse crânement la porte d' un cabaret minable où elle est prise "à l'essai". Mais le gérant lui fait vite comprendre que ses chants traditionnels, ça n'intéresse pas la clientèle. Il faut de la variété et aussi se montrer "disponible" avec les hommes. Elle se fait chasser alors violemment, non sans avoir cassé une bouteille sur la tête dudit gérant !
Fière et insoumise, Touda.
Le vieux violoniste sympa du groupe lui propose de l'accompagner un soir dans un autre endroit, plus chic, pour une fête privée. Elle se retrouve alors tout en haut d'un hôtel moderne, entourée d'une clientèle élégante. Elle commence à chanter l'aïta et attire vite l'admiration des femmes mais aussi, décidément , la convoitise de certains hommes qui lui jettent des billets au visage pour qu'elle les rejoigne dans leur chambre. Ce qu'elle refuse bien sûr et s'enfuit .
Et lorsqu'elle reprend l'ascenseur pour redescendre les 37 étages! (et remettre les pieds sur terre?), elle a le sourire inquiet mais satisfait de celle qui sait ce qu'elle voudra désormais, comme le début d'une émancipation.
Alors oui, tout le monde aime Touda, bien sûr, mais, en quittant la salle, on souhaite qu'elle soit dorénavant appréciée et respectée pour sa passion, pour son art.
C'est un film bien inscrit dans le Maroc contemporain, explorant les rapports homme-femme.
Et la comédienne Nisrin Erradi est magnifique de vie, d énergíe, de détermination. Epoustouflante!
Je suis surpris qu'elle n'ait pas eu de récompense au dernier festival de Cannes.
Alors, vive le cinémâââ encore en 2025 et yalla !