Soyons désinvoltes ;

Rien de plus banal que de réaliser une comédie américaine sur la vie des jeunes d'un campus universitaire. Il suffit d'y mettre un peu de soleil, du sport, des filles et de l'alcool. Le décor est planté, ça se passe comme ça en Amérique.
Pour rendre le tout plus intéressant, être Richard Linklater est une plutôt bonne méthode.

Car jusque là, les projections des années 80, aussi nostalgiques soit-elles, offraient majoritairement un divertissement sans grand fondement et sans aucune âme ; aussi vide qu'un fût de bière laissé aux mains des confréries un jeudi soir. On se souviendra particulièrement de la manière dont Roger Avary a piétiné ridiculeusement "The Rules Of Attraction", adapté de l’œuvre éponyme de Bret Easton Ellis, cette ode à la jeunesse dorée, à la fois sincère, forte et passionnée.
Bien qu'il reste à l'auteure de ces lignes de nombreux films à voir sur le sujet, il est forcé d'admettre que Everybody Wants Some !! s'inscrit comme une grande réussite dans la filmographie de son réalisateur.

On le sait, Richard Linklater apprécie les concepts, le fait de détourner les codes narratifs des films, de transcender l'action en modifiant son espace et son temps pour faire ressortir une essence nouvelle, une vision plus large, ou un simple hommage à sa nostalgie. Là où le correct Boyhood s'étendait de l'enfance à l'age adulte sans rien proposer d'autre qu'une longuette tranche de vie, EWS!! se déroule sur un week-end, presque sans ellipses - celles-ci ne servant qu'à marquer le rythme - et offre une expérience émotionnelle incontournable.

Il est nécessaire de s'accrocher, de comprendre l'intention et les enjeux du métrage pour mieux l'apprécier ; il faut avouer qu'au départ, ce n'est pas gagné. Les personnages sont pour la plupart détestables, de véritables beaufs en puissance qui emplissent la salle de testostérone et remettent en cause la théorie de l'évolution. Mêlant la bière et les fessiers, l’obscénité dégradante et le jeu, ils regorgent d'ennui et l'on s'ennuie avec eux. Mais, à l'image du personnage principal, nous arrivons à peine chers spectateurs, donnons-leur une chance, nous pourrions être surpris.

Et le charme opère. D'abord par la texture des images, ces rues résidentielles ensoleillées, ces lumières vives nocturnes, ces cadres soignés qui opèrent à différents niveaux. Puis par la musique, ces enchainements de disco, de country, de punk, de rock, ensemble dans une même énergie fascinante qui nous entraine à travers la diversité des rapports sociaux à l'université. Et enfin par la richesse émanant des personnages. On finit par les connaitre, ces joueurs au départ insipides, ceux que l'on aurait aimé détester si nous foulions également les allées de ce campus. Et on finit par les apprécier, car chacun est unique à sa manière, à son identité propre, ses désirs et ses faiblesses. On peut le dire, cela a pris du temps. A nouveau, autant pour nous que pour notre héros, on s'adapte à la vie en communauté, et la proximité nous apprend à les apprécier.

Everybody Wants Some !! est sans doute là manière dont on aimerait parfois voir défiler nos souvenirs sur un écran. Une tranche de vie à l'image, avec de nouvelles rencontres, de nouvelles expériences, un nouvel amour qui arrive au creux de l'été. Une vague pleine de soleil, émouvante et charnelle qui inscrit un sourire sur nos lèvres. Une ode aux années 80, mais aussi à la vie, à la post-adolescence, à l'aventure, à ce qui adviendra, et à cette nostalgie fulminante de ces premières années de liberté.